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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE XVIII.


ses principaux officiers : quand ces chefs furent ivres d’eau-de-vie, ils jurèrent à table, sur l’Évangile, qu’ils fourniraient des hommes et des vivres à Charles XII ; après quoi ils emportèrent la vaisselle et tous les meubles. Le maître d’hôtel de la maison courut après eux, et leur remontra que cette conduite ne s’accordait pas avec l’Évangile sur lequel ils avaient juré ; les domestiques de Mazeppa voulurent reprendre la vaisselle : les Zaporaviens s’attroupèrent ; ils vinrent en corps se plaindre à Mazeppa de l’affront inouï qu’on faisait à de si braves gens, et demandèrent qu’on leur livrât le maître d’hôtel pour le punir selon les lois ; il leur fut abandonné, et les Zaporaviens, selon les lois, se jetèrent les uns aux autres ce pauvre homme, comme on pousse un ballon : après quoi on lui plongea un couteau dans le cœur.

Tels furent les nouveaux alliés que fut obligé de recevoir Charles XII : il en composa un régiment de deux mille hommes ; le reste marcha par troupes séparées contre les Cosaques et les Calmoucks du czar, répandus dans ces quartiers.

La petite ville de Pultava, dans laquelle ces Zaporaviens trafiquent, était remplie de provisions, et pouvait servir à Charles d’une place d’armes ; elle est située sur la rivière de Vorskla, assez près d’une chaîne de montagnes qui la dominent au nord ; le côté de l’orient est un vaste désert ; celui de l’occident est plus fertile et plus peuplé. La Vorskla va se perdre à quinze grandes lieues au-dessous dans le Borysthène. On peut aller de Pultava au septentrion gagner le chemin de Moscou, par les défilés qui servent de passage aux Tartares ; cette route est difficile ; les précautions du czar l’avaient rendue presque impraticable ; mais rien ne paraissait impossible à Charles, et il comptait toujours prendre le chemin de Moscou après s’être emparé de Pultava : il mit donc le siége devant cette ville au commencement de mai.


CHAPITRE XVIII.
BATAILLE DE PULTAVA.

C’était là que Pierre l’attendait : il avait disposé ses corps d’armée à portée de se joindre, et de marcher tous ensemble aux assiégeants ; il avait visité toutes les contrées qui entourent