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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome16.djvu/604

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SECONDE PARTIE. — CHAPITRE XI.


pour les orphelins et pour les enfants trouvés, déjà commencées, furent achevées, dotées et remplies.

Nous joindrons ici tous les établissements utiles, auparavant projetés, et finis quelques années après. Toutes les grandes villes furent délivrées de la foule odieuse de ces mendiants qui ne veulent avoir d’autre métier que celui d’importuner ceux qui en ont, et de tramer aux dépens des autres hommes une vie misérable et honteuse : abus trop souffert dans d’autres États.

Les riches furent obligés de bâtir à Pétersbourg des maisons régulières suivant leur fortune. Ce fut une excellente police de faire venir sans frais tous les matériaux à Pétersbourg par toutes les barques et chariots qui revenaient à vide des provinces voisines.

Les poids et les mesures furent fixés et rendus uniformes, ainsi que les lois. Cette uniformité tant désirée, mais si inutilement, dans des États dès longtemps policés, fut établie en Russie sans difficulté et sans murmure ; et nous pensons que parmi nous cet établissement salutaire serait impraticable. Le prix des denrées nécessaires fut réglé ; ces fanaux que Louis XIV établit le premier dans Paris, qui ne sont pas même encore connus à Rome, éclairèrent pendant la nuit la ville de Pétersbourg ; les pompes pour les incendies, les barrières dans les rues solidement pavées, tout ce qui regarde la sûreté, la propreté, et le bon ordre, les facilités pour le commerce intérieur, les priviléges donnés à des étrangers, et les règlements qui empêchaient l’abus de ces priviléges : tout fit prendre à Pétersbourg et à Moscou une face nouvelle[1].

On perfectionna plus que jamais les fabriques des armes, surtout celle que le czar avait formée à dix milles environ de Pétersbourg : il en était le premier intendant ; mille ouvriers y travaillaient souvent sous ses yeux. Il allait donner ses ordres lui-même à tous les entrepreneurs des moulins à grains, à poudre, à scie ; aux

  1. Taxer les denrées nécessaires à la vie, obliger les gens riches de faire bâtir des maisons dans une capitale nouvelle, contraindre les chariots et les bateaux qui revenaient à vide à se charger de matériaux pour Pétersbourg, ce sont autant d’actes de tyrannie qu’on peut excuser par l’ignorance qui régnait encore en Europe sur des objets si simples. La suppression de la mendicité est un projet chimérique qu’on cherche à réaliser par des moyens barbares : il est contre la justice d’empêcher un homme de faire l’aumône, et un autre de la demander. Ce sont les mauvaises lois et la mauvaise administration qui multiplient les mendiants ; et lorsque le nombre en devient trop grand, ce ne sont pas ceux qui mendient, mais ceux qui gouvernent, qu’il faudrait punir.

    Nous ne dirons rien de la manière d’encourager le commerce par des priviléges. Le czar avait sur l’administration les mêmes principes que les gens éclairés de son siècle, et c’est tout ce qu’on peut exiger d’un prince. (K.)