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DE LA RELIGION.


ensevelissent dans les cloîtres la race dont elles devaient être mères, fussent du moins de quelque utilité à la société qu’elles trahissent : il ordonna qu’elles fussent toutes employées à des ouvrages de la main, convenables à leur sexe. L’impératrice Catherine se chargea de faire venir des ouvrières du Brabant et de la Hollande ; elle les distribua dans les monastères, et on y fit bientôt des ouvrages dont Catherine et les dames de la cour se parèrent.

Il n’y a peut-être rien au monde de plus sage que toutes ces institutions ; mais ce qui mérite l’attention de tous les siècles, c’est le règlement que Pierre porta lui-même, et qu’il adressa au synode en 1724. Il fut aidé en cela par Théophane Procopvitz. L’ancienne institution ecclésiastique est très-savamment expliquée dans cet écrit ; l’oisiveté monacale y est combattue avec force ; le travail, non-seulement recommandé, mais ordonné, et la principale occupation doit être de servir les pauvres, il ordonne que les soldats invalides soient répartis dans les couvents, qu’il y ait des religieux préposés pour avoir soin d’eux, que les plus robustes cultivent les terres appartenantes aux couvents ; il ordonne la même chose dans les monastères des filles : les plus fortes doivent avoir soin des jardins ; les autres doivent servir les femmes et les filles malades qu’on amène du voisinage dans le couvent. Il entre dans les plus petits détails de ces différents services ; il destine quelques monastères de l’un et de l’autre sexe à recevoir les orphelins, et à les élever.

Il semble, en lisant cette ordonnance de Pierre le Grand, du 31 janvier 1724, qu’elle soit composée à la fois par un ministre d’État et par un père de l’Église.

Presque tous les usages de l’Église russe sont différents des nôtres. Dès qu’un homme est sous-diacre parmi nous, le mariage lui est interdit, et c’est un sacrilége pour lui de servir à peupler sa patrie. Au contraire, sitôt qu’un homme est ordonné sous-diacre en Russie, on l’oblige de prendre une femme : il devient prêtre, archiprêtre ; mais, pour devenir évêque, il faut qu’il soit veuf et moine.

Pierre défendit à tous les curés d’employer plus d’un de leurs enfants au service de leur église, de peur qu’une famille trop nombreuse ne tyrannisât la paroisse ; et il ne leur fut permis d’employer plus d’un de leurs enfants que quand la paroisse le demandait elle-même. On voit que dans les plus petits détails de ces ordonnances ecclésiastiques, tout est dirigé au bien de l’État, et qu’on prend toutes les mesures possibles pour que les prêtres