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CHAPITRE LVIII.

premier président, et non le chancelier, recueille les voix. Les premiers présidents persistèrent non-seulement à ne prendre les avis des pairs qu’après ceux des présidents, mais à se découvrir devant ces présidents, et à demander l’avis des pairs le bonnet en tête. Les pairs s’en sont plaints souvent, mais cette querelle n’a jamais été décidée ; elle est restée dans le nombre des contestations sur lesquelles il n’est rien de réglé. Ce nombre est prodigieux. Ce n’est guère qu’en France que les droits de tous les corps flottent ainsi dans l’incertitude.

Le roi, dès l’année 1655, était venu au parlement, en grosses bottes et un fouet à la main[1], défendre les assemblées des chambres, et il avait parlé avec tant de hauteur que, dès ce jour, on prévit un changement total dans le royaume.

Il ordonna, en 1657, par un édit renouvelé depuis en 1673, que jamais le parlement ne fît des représentations que dans la huitaine après avoir enregistré avec obéissance.

L’indignation qu’il conserva toujours dans son cœur contre les excès auxquels le parlement s’était porté dans sa minorité le détermina même à venir dans la grand’chambre, en 1669[2], pour y révoquer les priviléges de noblesse accordés aux cours supérieures par la reine sa mère, en 1644. Cependant cet édit, enregistré en sa présence, n’a point eu d’effet, l’usage a toujours prévalu sur les ordres du souverain.

Louis XIV préparait des décisions plus importantes pour le bien de la nation. Il fit bientôt travailler à une loi uniforme, qui fixa la manière de procéder dans toutes les cours de judicature, soit au civil, soit au criminel. Il fixa les épices des juges, les cas où il leur est permis de s’en attribuer, et les cas où il leur est défendu de prendre ces émoluments.

Il y eut enfin un code certain, du moins pour la manière de procéder, car celle de juger est toujours restée trop arbitraire en matière civile et criminelle.

Louis XIV n’eut à se plaindre ni d’aucun parlement, ni d’aucun corps dans le cours de son long règne, depuis qu’il tint les rênes du gouvernement.

Il est à remarquer que dans sa longue querelle avec le fier pape Odescalchi, Innocent XI, laquelle dura sept années[3], depuis 1680 jusqu’à la mort de ce pontife, les parlements et le clergé

  1. Voyez ci-dessus, page 50.
  2. Ce fut le 15 août ; voyez le chapitre XXX du Siècle de Louis XIV.
  3. La querelle de la régale avait commencé en 1678, et ne s’apaisa que sous Innocent XII, en 1693. Innocent XI étant mort en 1689, la querelle a donc duré