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CHAPITRE LX.


plus mince. Ainsi tout ce qu’avait établi Louis XIV était alors détruit ; la forme même de son gouvernement avait été entièrement changée, des conseils ayant été substitués aux secrétaires d’État.

Le régent lui-même eut en ce temps-là une difficulté singulière avec le parlement. Il demanda quel était l’ordre de la cérémonie quand un régent allait en procession avec ce corps. Il s’agissait d’une procession à la cathédrale de Paris pour le jour qu’on appelle la Notre-Dame d’août, jour où Louis XIII avait mis la France sous la protection de la vierge Marie[1] et jour fameux pour les disputes de rang. Le parlement répondit que le régent du royaume devait marcher entre deux présidents. Le régent se crut obligé d’envoyer au nom du roi un ordre par lequel le régent devait passer seul avant la compagnie ; ce qui paraissait bien naturel, mais ce qui fait voir encore, comme on l’a vu tant de fois, qu’il n’est rien de réglé en France.

Au reste, il ne s’opposa point à l’habitude que le parlement avait prise de l’appeler toujours Monsieur, comme un conseiller, et de lui écrire Monsieur, tandis qu’il écrivait au chancelier Monseigneur, et tandis que tous les corps de la noblesse des états provinciaux donnaient le titre de Monseigneur au régent. C’est encore une des contradictions communes en France, Le duc d’Orléans n’y prit pas garde, ne songeant qu’à la réalité du pouvoir, et méprisant le ridicule des usages introduits.



CHAPITRE LX.

FINANCES ET SYSTÈME DE LASS PENDANT LA RÉGENCE.

Avant le système de Law ou Lass, qui commença à éclairer la France en la bouleversant, il n’y avait que quelques financiers et quelques négociants qui eussent des idées nettes de tout ce qui concerne les espèces, leur valeur réelle, leur valeur numéraire, leur circulation, le change avec l’étranger, le crédit public ; ces objets occupèrent la régence et le parlement.

Adrien de Noailles, duc et pair, et depuis maréchal de France,

  1. Voyez page 35.