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CUL.

On a porté dans quelques-unes de nos villes le saint prépuce en procession ; on le garde encore dans quelques sacristies, sans que cette facétie ait causé le moindre trouble dans les familles. Je puis encore assurer qu’aucun concile, aucun arrêt de parlement n’a jamais ordonné qu’on fêterait le saint prépuce.

J’appelle loi contre les mœurs une loi publique qui me prive de mon bien, qui m’ôte ma femme pour la donner à un autre ; et je dis que la chose est impossible.

Quelques voyageurs prétendent qu’en Laponie des maris sont venus leur offrir leur femme par politesse : c’est une plus grande politesse à moi de les croire. Mais je leur soutiens qu’ils n’ont jamais trouvé cette loi dans le code de la Laponie, de même que vous ne trouverez ni dans les constitutions de l’Allemagne, ni dans les ordonnances des rois de France, ni dans les registres du parlement d’Angleterre, aucune loi positive qui adjuge le droit de cuissage aux barons.

Des lois absurdes, ridicules, barbares, vous en trouverez partout ; des lois contre les mœurs, nulle part.


CUL[1].

On répétera ici ce qu’on a déjà dit ailleurs[2], et ce qu’il faut répéter toujours, jusqu’au temps où les Français se seront corrigés ; c’est qu’il est indigne d’une langue aussi polie et aussi universelle que la leur d’employer si souvent un mot déshonnête et ridicule, pour signifier des choses communes qu’on pourrait exprimer autrement sans le moindre embarras.

Pourquoi nommer cul-d’âne et cul-de-cheval des orties de mer ? pourquoi donc donner le nom de cul-blanc à l’œnaute, et de cul-rouge à l’épeiche ? Cette épeiche est une espèce de pivert, et l’œnante une espèce de moineau cendré. Il y a un oiseau qu’on nomme fétu-en-cul ou paille-en-cul ; on avait cent manières de le désigner d’une expression beaucoup plus précise. N’est-il pas impertinent d’appeler cul-de-vaisseau le fond de la poupe ?

Plusieurs auteurs nomment encore à-cul un petit mouillage,

  1. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)
  2. Voyez la requête de Jérôme Carré À Messieurs les Parisiens, en tête de la comédie de l’Écossaise (tome IV du Théâtre) ; et le Prologue et le Premier postscript du poëme de la Guerre de Genève (tome IX) ; et ci-après l’article Langues, section iii ; — voyez aussi dans les Mélanges, année 1764, le Discours aux Welches, et son Supplément ; et dans la Correspondance, la lettre à d’Olivet, du 20 auguste 1761.