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QUESTION.

montagnes couvertes de neiges éternelles, et aux précipices affreux qui entourent notre paradis terrestre. Encore le diable quelquefois franchit-il, comme dans Milton, ces précipices et ces monts épouvantables pour venir infecter de son haleine empoisonnée les fleurs de notre paradis. Satan s’était déguisé en crapaud pour venir tromper deux créatures qui s’aimaient. Il est venu une fois chez nous dans sa propre figure pour apporter l’intolérance. Notre innocence a triomphé de toute la fureur du diable[1].



QUESTION, TORTURE[2].


J’ai toujours présumé que la question, la torture avait été inventée par des voleurs[3] qui, étant entrés chez un avare et ne trouvant point son trésor, lui firent souffrir mille tourments jusqu’à ce qu’il le découvrit.

On a dit souvent que la question était un moyen de sauver un coupable robuste, et de perdre un innocent trop faible ; que chez les Athéniens on ne donnait la question que dans les crimes d’État ; que les Romains n’appliquèrent jamais à la torture un citoyen romain pour savoir son secret ;

Que le tribunal abominable de l’Inquisition renouvela ce supplice, et que par conséquent il doit être en horreur à toute la terre ;

Qu’il est aussi absurde d’infliger la torture pour parvenir à la connaissance d’un crime, qu’il était absurde d’ordonner autrefois le duel pour juger un coupable : car souvent le coupable était vainqueur, et souvent le coupable vigoureux et opiniâtre résiste à la question, tandis que l’innocent débile y succombe ;

Que cependant le duel était appelé le jugement de Dieu, et qu’il ne manque plus que d’appeler la torture le jugement de Dieu ;

Que la torture est un supplice plus long et plus douloureux que la mort ; qu’ainsi on punit l’accusé avant d’être certain de

  1. Ceci fait sans doute allusion à la persécution que voulut exciter Biord, évêque d’Annecy, dont il est parlé ailleurs. (K.) — Voyez tome X, la note de l’Épître à M. de Saint-Lambert, année 1769 ; et la note de la section iii, du mot Fanatisme, tome XIX, page 82.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie. 1771. (B.)
  3. Voyez l’article Flibustiers ; et dans les Mélanges, année 1766, le paragraphe iv du Commentaire sur le livre Des Délits et des Peines ; année 1767, le paragraphe iv du Fragment des instructions pour le prince royal de *** ; et année 1771, la Méprise d’Arras.