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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/117

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SUR LES PRESBYTÉRIENS.

dans les écoles de théologie, et le soir chantant avec les dames, un théologien anglican est un Caton ; mais ce Caton paraît un galant devant un presbytérien d’Écosse. Ce dernier affecte une démarche grave, un air fâché, porte un vaste chapeau, un long manteau par-dessus un habit court, prêche du nez, et donne le nom de[1] prostituée de Babylone à toutes les églises où quelques ecclésiastiques sont assez heureux pour avoir cinquante mille livres de rente, et où le peuple est assez bon pour le souffrir, et pour les appeler Monseigneur, votre Grandeur, votre Éminence.

Ces messieurs, qui ont aussi quelques églises en Angleterre, ont mis les airs graves et sévères à la mode en ce pays. C’est à eux qu’on doit la sanctification du dimanche dans les trois royaumes ; il est défendu ce jour-là de travailler et de se divertir, ce qui est le double de la sévérité des églises catholiques ; point d’opéra, point de comédie, point de concerts à Londres le dimanche ; les cartes même y sont si expressément défendues qu’il n’y a que les personnes de qualité, et ce qu’on appelle les honnêtes gens qui jouent ce jour-là. Le reste de la nation va au sermon, au cabaret, et chez des[2] filles de joie.

Quoique la secte épiscopale et la presbytérienne soient les deux dominantes dans la Grande-Bretagne, toutes les autres y sont bien venues et vivent assez bien ensemble, pendant que la plupart de leurs prédicants se détestent réciproquement avec presque autant de cordialité qu’un janséniste damne un jésuite.

Entrez dans la bourse de Londres, cette place plus respectable que bien des cours, vous y voyez rassemblés les députés de toutes les nations pour l’utilité des hommes. Là le juif, le mahométan, et le chrétien, traitent l’un avec l’autre comme s’ils étaient de la même religion, et ne donnent le nom d’infidèles qu’à ceux qui font banqueroute ; là le presbytérien se fie à l’anabaptiste, et l’anglican reçoit la promesse du quaker. Au sortir de ces pacifiques et libres assemblées, les uns vont à la synagogue, les autres vont boire : celui-ci va se faire baptiser dans une grande cuve au nom du Père, par le Fils, au Saint-Esprit ; celui-là fait couper le prépuce de son fils, et fait marmotter sur l’enfant des paroles hébraïques qu’il n’entend point ; ces autres vont dans leur église attendre l’inspiration de Dieu leur chapeau sur la tête : et tous sont contents.

S’il n’y avait en Angleterre qu’une religion, son despotisme

  1. 1734. « De la. »
  2. 1734. « Les. »