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LE TOMBEAU

DE LA SORBONNE[1]


Lorsque la Sorbonne était occupée à censurer des livres de physique, de philosophie et de jurisprudence, et qu’on croyait que ses disparates étaient au comble, un nouvel orage porta son vaisseau sans gouvernail d’un autre côté, et le fit donner dans un écueil qui l’a fracassé sans ressource[2].

Pour être reçu docteur en la faculté de théologie de Paris, il faut soutenir une thèse pendant dix heures de suite. Un jeune bachelier de beaucoup d’esprit, fort instruit, et qui fait grand usage des bons auteurs, se proposa de soutenir cette thèse à son tour : c’était l’abbé de Prades[3], homme de condition, neveu de M. de La Valette, maréchal de camp[4], assez connu par les services qu’il a rendus dans la dernière guerre[5].

Ce jeune homme, qui n’avait d’autre intention que de percer

  1. M. de Voltaire a désavoué constamment le Tombeau de la Sorbonne, qu’on lui a constamment attribué. On n’y reconnaît ni sa manière, ni son style : s’il y a eu quelque part, c’est d’avoir corrigé l’ouvrage, et tout au plus d’y avoir ajouté quelques traits. (K.) — Voltaire, dans une lettre au roi de Prusse, de 1752, s’explique de manière à faire croire qu’il n’est pas l’auteur du Tombeau de la Sorbonne. Cependant le roi de Prusse, dans sa lettre à Voltaire, du 18 mai 1759, lui dit : « Vous avez fait le Tombeau de la Sorbonne. » Colini, secrétaire de Voltaire, de 1752 à 1757, met (voyez Mon Séjour auprès de Voltaire, page 51 ; le Tombeau de la Sorbonne au nombre des ouvrages qui lui ont été faussement attribués. Le même Colini possédait une suite de cet opuscule, intitulée Fleurs sur le tombeau de la Sorbonne, et restée manuscrite. Des pages entières étaient refaites de la main de Voltaire. Beaucoup de faits rapportés dans le Tombeau de la Sorbonne le sont aussi dans la première partie de l’Apologie de M. l’abbé de Prades, 1752, in-8o. Il est à croire que cet abbé a fourni les faits du Tombeau de la Sorbonne. (B.)
  2. Voltaire lui-même s’est moqué de ce début.
  3. Né en 1720, mort en 1782.
  4. Jean-Pierre de Prades de La Valette, mort le 18 décembre 1759, âgé de soixante et quinze ans.
  5. La guerre de 1741 ; voyez chapitres vi et suiv. du Précis du Siècle de Louis XV.