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DES MARTYRS.

femme était la sainte Vierge, et ce vieillard était saint Jean l’évangéliste. Saint Jean lui dicta un symbole que saint Grégoire alla prêcher. Il passa, en allant à Néocésarée, près d’un temple où l’on rendait des oracles et où la pluie l’obligea de passer la nuit ; il y fit plusieurs signes de croix. Le lendemain le grand sacrificateur du temple fut étonné que les démons, qui lui répondaient auparavant, ne voulaient plus rendre d’oracles ; il les appela : les diables vinrent pour lui dire qu’ils ne viendraient plus ; ils lui apprirent qu’ils ne pouvaient plus habiter ce temple, parce que Grégoire y avait passé la nuit, et qu’il y avait fait des signes de croix.

Le sacrificateur fit saisir Grégoire, qui lui répondit : « Je peux chasser les démons d’où je veux, et les faire entrer où il me plaira. — Faites-les donc rentrer dans mon temple », dit le sacrificateur. Alors Grégoire déchira un petit morceau d’un volume qu’il tenait à la main, et y traça ces paroles : « Grégoire à Satan : Je te commande de rentrer dans ce temple, » On mit ce billet sur l’autel : les démons obéirent, et rendirent ce jour-là leurs oracles comme à l’ordinaire ; après quoi ils cessèrent, comme on le sait.

C’est saint Grégoire de Nysse qui rapporte ces faits dans la vie de saint Grégoire Thaumaturge. Les prêtres des idoles devaient sans doute être animés contre Grégoire, et, dans leur aveuglement, le déférer au magistrat : cependant leur plus grand ennemi n’essuya aucune persécution.

Il est dit dans l’histoire de saint Cyprien qu’il fut le premier évêque de Carthage condamné à la mort. Le martyre de saint Cyprien est de l’an 258 de notre ère : donc pendant un très-long temps aucun évêque de Carthage ne fut immolé pour sa religion. L’histoire ne nous dit point quelles calomnies s’élevèrent contre saint Cyprien, quels ennemis il avait, pourquoi le proconsul d’Afrique fut irrité contre lui. Saint Cyprien écrit à Cornélius, évêque de Rome : Il arriva depuis peu une émotion populaire à Carthage, et on cria par deux fois qu’il fallait me jeter aux lions. » Il est bien vraisemblable que les emportements du peuple féroce de Carthage furent enfin cause de la mort de Cyprien ; et il est bien sûr que ce ne fut pas l’empereur Gallus qui le con-


    tion, mais un historien doit être plus philosophe qu’orateur. Au reste, on ne donne cette réflexion sur les Égyptiens que comme une conjecture : quel autre nom peut-on donner à tout ce qu’on dit de l’antiquité ? (Note de Voltaire.) — La lâcheté des Égyptiens a été souvent l’objet du blâme de Voltaire ; voyez la note, tome XVII, page 286. C’est à la critique d’Hérodote que sont consacrés les chapitres vi et vii du Pyrrhonisme de l’histoire.