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DE PÉTRONE.


Presque tous les historiens d’Italie ont accusé le pape Alexandre VI de forfaits qui égalent au moins ceux de Néron ; mais Alexandre VI, comme Néron, était coupable lui-même des erreurs dans lesquelles ces historiens sont tombés.

On nous raconte des atrocités non moins exécrables de plusieurs princes asiatiques. Les voyageurs se donnent une libre carrière sur tout ce qu’ils ont entendu dire en Turquie et en Perse. J’aurais voulu, à leur place, mentir d’une façon toute contraire. Je n’aurais jamais vu que des princes justes et cléments, des juges sans passion, des financiers désintéressés ; et j’aurais présenté ces modèles aux gouvernements de l’Europe.

La Cyropédie de Xénophon est un roman ; mais des fables qui enseignent la vertu valent mieux que des histoires mêlées de fables qui ne racontent que des forfaits.


CHAPITRE XIV.
de pétrone.

Tout ce qu’on a débité sur Néron m’a fait examiner de plus près la satire attribuée au consul Caius Petronius, que Néron avait sacrifié à la jalousie de Tigillin. Les nouveaux compilateurs de l’histoire romaine n’ont pas manqué de prendre les fragments d’un jeune écolier nommé Titus Petronius pour ceux de ce consul, qui, dit-on, envoya à Néron, avant de mourir, cette peinture de sa cour sous des noms empruntés.

Si on retrouvait, en effet, un portrait fidèle des débauches de Néron dans le Pétrone qui nous reste, ce livre serait un des morceaux les plus curieux de l’auteur.

Nodot[1] a rempli les lacunes de ces fragments, et a cru tromper le public. Il veut le tromper encore en assurant que la satire de Titus Petronius, jeune et obscur libertin, d’un esprit très-peu réglé, est de Caius Petronius, consul de Rome. Il veut qu’on voie toute la vie de Néron dans des aventures des plus bas coquins de l’Italie, gens qui sortent de l’école pour courir du cabaret au b….., qui volent des manteaux, et qui sont trop heureux d’aller dîner chez un vieux sous-fermier, marchand de vin, enrichi par des usures, qu’on nomme Trimalcion.

Les commentateurs ne doutent pas que ce vieux financier

  1. Voyez tome XIV, page 111.