Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/358

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que de Meaux, intitulé la Politique de l’Écriture sainte? Plaisante politique que celle d’un malheureux peuple qui fut sanguinaire sans être guerrier, usurier sans être commerçant, brigand sans pouvoir conserver ses rapines, presque toujours esclave et presque toujours révolté, vendu au marché par Titus et par Adrien comme on vend l’animal que ces Juifs appelaient immondes et qui était plus utile qu’eux. J’abandonne au déclamateur Bossuet la politique des roitelets de Juda et de Samarie, qui ne connurent que l’assassinat, à commencer par leur David, lequel, ayant fait le métier de brigand pour être roi, assassina Urie dès qu’il fut le maître ; et ce sage Salomon, qui commença par assassiner Adonias son propre frère au pied de l’autel. Je suis las de cet absurde pédantisme qui consacre l’histoire d’un tel peuple à l’instruction de la jeunesse.

Je ne suis pas moins las de tous les livres dans lesquels on répète les fables d’Hérodote et de ses semblables sur les anciennes monarchies de l’Asie et sur les républiques qui ont disparu.

Qu’ils nous redisent qu’une Didon, sœur prétendue de Pygmalion (qui ne sont point des noms phéniciens), s’enfuit de Phénicie pour acheter en Afrique autant de terrain qu’en pourrait contenir un cuir de bœuf, et que, le coupant en lanières, elle entoura de ces lanières un territoire immense où elle fonda Carthage ; que ces historiens romanciers parlent après tant d’autres, et que tant d’autres nous parlent après eux des oracles d’Apollon accomplis, et de l’anneau de Gygès, et des oreilles de Smerdis, et du cheval de Darius qui fit son maître roi de Perse : qu’on s’étende sur les lois de Charondas, qu’on nous répète que la petite ville de Sybaris mit trois cent mille hommes en campagne contre la petite ville de Crotone, qui ne put armer que cent mille hommes : il faut mettre toutes ces histoires avec la louve de Romulus et de Rémus, le cheval de Troie, et la baleine de Jonas,

Laissons donc là toute la prétendue histoire ancienne, et, à l’égard de ia moderne, que chacun cherche à s’instruire par les fautes de son pays et par celles de ses voisins : la leçon sera longue ; mais aussi voyons toutes les belles institutions par lesquelles les nations modernes se signalent : cette leçon sera longue encore.

1. Le porc.

2. Voltaire cite souvent cette baleine ; mais l’Écriture ne dit pas le nom du grand poisson qui avala le petit prophète. Jonas, chap. ii, v. 1; et Matthieu, chap. XII, V. 40. ( Cl.)