Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/381

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L'A, B, 0. 373

B. J'avoue que non. Il fallait trouver quelque autre Liais pour accommoder le différend.

C.

11 était tout trouvé ; il fallait s'en rapporter à la nation sur laquelle on voulait régner. La nation espagnole disait : Nous voulons le duc d'Anjou ; le roi son grand-père l'a nommé héri- tier par son testament ; nous y avons souscrit ; nous l'avons reconnu pour notre roi ; nous l'avons supplié de quitter la France pour venir gouverner. Quiconque veut s'opposer à la loi des vi- vants et des morts est visiblement injuste.

B. Fort bien. Mais si la nation se partage ?

A. Alors, comme je vous le disais, la nation et ceux qui entrent dans la querelle sont malades de la rage. Ses horribles symptômes durent douze ans, jusqu'à ce que les enragés, épuisés, n'en pou- vant plus, soient forcés de s'accorder. Le hasard, le mélange de bons et de mauvais succès, les intrigues, la lassitude, ont éteint cet incendie, que d'autres hasards, d'autres intrigues, la cupidité, la jalousie, l'espérance, avaient allumé. La guerre est comme le mont Vésuve ; ses éruptions engloutissent des villes, et ses embra- sements s'arrêtent. 11 y a des temps où les bétes féroces, descen- dues des montagnes, dévorent une partie de vos travaux, ensuite elles se retirent dans leurs cavernes.

C. Quelle funeste condition que celle des hommes !

A.

Celle des perdrix est pire : les renards, les oiseaux de proie, les dévorent; les chasseurs les tuent, les cuisiniers les rôtissent; et cependant il y en a toujours. La nature conserve les espèces, et se soucie très-peu des individus.

B. Vous êtes dur, et la morale ne s'accommode pas de ces

maximes.

A.

Ce n'est pas moi qui suis dur, c'est la destinée. Vos moralistes font très-bien de crier toujours: « Misérables mortels, soyez justes et bienfaisants; cultivez la terre, et ne l'ensanglantez pas.

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