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374 L'A, B. C.

Princes, n'allez pas dévaster l'iiéritage d'autrui, de peur qu'on ne TOUS tue dans le vôtre. Restez chez vous, pauvres gentillàtres ; rétablissez votre masure ; tirez de vos fonds le double de ce que vous en tiriez ; entourez vos champs de haies vives ; plantez des mûriers ; que vos sœurs vous fassent des bas de soie ; améliorez vos vignes ; et si des peuples voisins veulent venir boire votre vin malgré vous, défendez-vous avec courage : mais n'allez pas vendre votre sang à des princes qui ne vous connaissent pas, qui ne jetteront jamais sur vous un coup d'oeil, et qui vous trai- tent comme des chiens de chasse qu'on mène contre le sanglier, et qu'on laisse ensuite mourir dans un chenil. »

Ces discours feront peut-être impression sur trois ou quatre têtes bien organisées, tandis que cent mille autres ne les enten- dront seulement pas, et brigueront l'honneur d'être lieutenants de lioussards.

Pour les autres moralistes à gages que l'on nomme prédica- teurs, ils n'ont jamais seulement osé prêcher contre la guerre. Ils déclament contre les appétits sensuels après avoir pris leur chocolat. Ils anathématisent l'amour, et, au sortir de la chaire où ils ont crié, gesticulé, et sué, ils se font essuyer par leurs dévotes. Ils s'époumonent à promer des mystères dont ils n'ont pas la plus légère idée : mais ils se gardent bien de décrier la guerre, qui réunit tout ce que la perfidie a de plus lâche dans les manifestes, tout ce que l'infâme friponnerie a de plus bas dans les fournitures des armées, tout ce que le brigandage a d'affreux dans le pillage, le viol, le larcin, l'homicide, la dévas- tation, la destruction. Au contraire, ces bons prêtres bénissent en cérémonie les étendards du meurtre: et leurs confrères chan- tent, pour de l'argent, des chansons juives, «{uand la terre a été

inondée de sang,

B.

Je ne me souviens point en effet d'avoir lu dans le prolixe et argumentant Bourdaloue, le premier qui ait mis les apparences de la raison dans ses sermons ; je ne me souviens point, dis-je, d'avoir lu une seule page contre la guerre.

L'élégant et doux Massillon^ en bénissant les drapeaux du régiment de Catinat, fait, à la vérité, quelques vœux pour la paix; mais il permet l'ambition. « Ce désir, dit-il, de voir vos services récompensés, s'il est modéré... s'il ne vous porte pas à vous frayer des routes d'iniquité pour parvenir à vos fins... n'a

1. Voyez page 22.

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