Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/510

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obéit ; et, mettant aussitôt la main à l’ouvrage, il demeura deux ans dans le palais, jusqu’à ce qu’il eût achevé la construction de ce trône. Et comme il le posait à sa place, il vit qu’il s’en manquait de chaque côté dix-huit pouces de la mesure fixée : ce qu’ayant vu, le roi se fâchait très-fort contre Joseph, et Joseph, craignant la colère du roi, allait coucher sans souper, n’ayant rien goûté du tout. Alors le Seigneur Jésus lui demandant pourquoi il avait peur : Parce que, dit Joseph, j’ai perdu un ouvrage auquel j’ai travaillé deux ans entiers. Et le Seigneur Jésus lui dit : Quittez la crainte, et ne vous abattez pas l’esprit ; vous prendrez un des côtés de ce trône, et moi l’autre, afin que nous le réduisions à la juste mesure. Et lorsque Joseph eut fait comme le Seigneur Jésus avait dit, et que l’un et l’autre tirait fortement de son côté, le trône obéit, et fut réduit à la juste mesure de ce lieu. Les assistants qui voyaient ce prodige en étaient étonnés, et glorifiaient Dieu. Or ce trône était fait de ce bois qui avait existé du temps de Soleiman[1], c’est-à-dire d’un bois marqueté de différentes formes et figures.

XL. — Un certain autre jour, le Seigneur Jésus étant venu dans la rue et ayant vu des enfants qui s’étaient assemblés pour jouer, il se mêla dans la troupe. Ceux-ci l’ayant vu, comme ils se cachaient pour qu’il les cherchât, le Seigneur Jésus vint à la porte d’une certaine maison, et demanda à des femmes qui étaient là, où ces enfants étaient allés. Et comme elles répondaient qu’il n’y avait personne là, le Seigneur Jésus reprit : Qui sont ceux que vous voyez dans le four ? Comme elles répondirent que c’étaient des chevreaux de trois ans, le Seigneur Jésus s’écria et dit : Sortez ici, chevreaux, vers votre pasteur. Et aussitôt les enfants sortaient semblables à des chevreaux, et bondissaient autour de lui ; ce que ces femmes ayant vu, elles furent fort étonnées, et la crainte et le tremblement les saisit. Tout d’un coup donc elles adoraient le Seigneur Jésus, et le priaient, disant : Ô notre Seigneur Jésus ! fils de Marie, vous êtes véritablement ce bon pasteur d’Israël[2] ! ayez pitié de vos servantes, qui se tiennent devant vous, et qui ne doutent point que vous, ô notre Seigneur ! ne soyez venu pour guérir, mais non pas pour détruire[3]. Ensuite, comme le Seigneur Jésus eut répondu que les enfants d’Israël étaient entre les peuples comme les Éthiopiens[4], les femmes disaient : Seigneur, vous

  1. Salomon. (Note de Voltaire.)
  2. Jean, x, v. 11. (Id.)
  3. Jean, iii, v. 17. (Id.)
  4. Jérém., xiii, v. 23. (Id.)