Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/415

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Comme le vieillard de la fable
Je sollicitais le secours,
Non point de la Mort effroyable,
Qui de sa faux épouvantable
Moissonne la fleur des beaux jours.
Mais de mon démon secourable,
Qui peut d’un vers inexorable.
Adoucir l’obstination.
Et qui, maître dans l’art aimable,
De Catulle et d’Anacréon,
Me rend le joug plus supportable
Où la rime tient la raison.
Ce démon au cœur charitable
Allait d’une façon palpable
Faire son apparition,
Lorsque les Grâces en ton nom
M’amenèrent d’un air affable
Ce jeune objet inimitable,
Ta fille et celle d’Apollon,
Et que dans le sacré vallon,
Par une faveur ineffable,
Melpomène adopta, dit-on.
Cette Mérope incomparable,
Qui, pensant mieux que Salomon,
Haranguait comme Cicéron,
Me défit le bandeau coupable
Dont l’amour-propre punissable
Augmentait ma prévention.
Je vis, et mon œil équitable
Plaignit mon travail pitoyable ;
Mes vers, mon tudesque jargon,
Tout me parut insupportable ;
Puis, sans faire d’autre façon,
Sans plus flatter ma passion.
J’envoyai mon démon au diable.
Dieu nous garde du talion !

Je suis dans le cas de ces Espagnols établis au Mexique, qui fondent une divinité[1] fort singulière sur la beauté de leur peau bise et leur teint olivâtre. Que deviendraient-ils s’ils voyaient une beauté européenne, un teint brillant des plus belles couleurs, une peau dont la finesse est comme celle de ces vernis qui couvrent les peintures, et laissent entrevoir jusqu’aux traits du pinceau les plus subtils ? Leur orgueil, ce me semble, se trouverait sapé par le fondement ; et je me trompe fort, ou les miroirs de ces ridicules Narcisses seraient cassés avec dépit et avec emportement.

Vous me paraissez satisfait des mémoires du czar Pierre Ier, que je vous ai envoyés, et je le suis de ce que j’ai pu vous être de quelque utilité. Je me donnerai tous les mouvements nécessaires pour vous faire avoir les particularités des aventures de la czarine, et la vie du czarovitz que

  1. Une vanité. (Variante des Œuvres posthumes.)