Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/18

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Pourquoi en remercier la petite Gautier ? me dira Votre Majesté. Voici le fait, sire c’est que La Noue, comme de raison, ne voulait pas quitter sa maîtresse, tant qu’elle a été ou qu’elle lui a paru fidèle ; mais, depuis qu’il l’a reconnue très-infidèle, Votre Majesté peut se flatter d’avoir La Noue.

Je crois devoir envoyer les mémoires et lettres que je reçus de La Noue lorsque je lui écrivis par ordre de Votre Majesté ; elle verra, si elle veut s’en donner la peine, qu’il demandait d’abord quarante mille écus. Ensuite, par sa lettre du 23 octobre, il ne veut pas s’engager. Mais le 28 octobre il s’engagea, parce qu’il fut quitté de sa donzelle, du 23 au 28 octobre.

À présent, sire, cet amant malheureux attend vos derniers ordres pour fournir ou ne fournir pas baladins et baladines pour les plaisirs de Berlin. Il presse beaucoup et demande des ordres positifs, à cause des frais qu’un délai entraînerait.

J’envoie à Votre Majesté une lettre plus digne d’arrêter son attention elle est du président Hénault, l’homme de France qui a le plus de goût et de discernement, et mériterait d’être lue de Votre Majesté, quand même il n’y serait pas question d’elle.

Puisque je prends la liberté d’envoyer tant de manuscrits, que Votre Majesté me permette de lui faire passer#2 aussi une lettre de Mme du Châtelet, que j’ai reçue de la Haye : il y a des choses qui peut-être méritent d’être lues de Votre Majesté. Il court à Paris beaucoup de satires en vers et en prose sur l’expédition de la Silésie. On y fait l’honneur à quelques-uns de vos serviteurs de leur lâcher quelque lardon, quoiqu’ils n’aient, me semble, aucune part en cette affaire mais :

Mon roi protégera l’empire,
Et sera l’arbitre du Nord ;
Et qui saura braver la mort
Sait aussi braver la satire.

Sire, de Votre Majesté le très-humble et très-obéissant serviteur.

P. S. Oserai-je supplier Votre Majesté de me faire envoyer un exemplaire du manifeste imprimé de ses droits sur la Silésie ? [1]

    vivait encore en 1795. Voltaire reparle de cette actrice dans les lettres 1419, 1503 et 1506.

  1. Le mot passer n’est pas dans l’original ; il a été ajouté par l’éditeur. Voyez Archives littéraires, I, 315, où cette lettre a paru pour la première fois. (B.)