Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/520

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Je vais partir avec un joli viatique ; vos vers égayeront mon imagination ; je suis vieux et malade, je n’ai plus d’autre plaisir que de m’intéresser à ceux de mes amis. Les Manon sont bien heureuses d’avoir des amants et des poëtes comme vous. Je ne vous envie point Manon, mais je vous envie les princes de Wurtemberg[1]. Je pars sans avoir pu leur faire ma cour ; peut-être, à leur retour, ils passeront chez le roi de Pologne, en Lorraine. Il me semble que c’est leur chemin en ce cas, je réparerais la sottise que j’ai eue d’être malade, au lieu de leur rendre mes respects. Je vous prie de me mettre à leurs pieds.

Si M. de Montolieu[2] est celui que j’ai vu à Berlin et à Baireuth, je pars désespéré de ne l’avoir point revu.

Adieu, mon cher d’Arnaud entre les princes et les Manon, n’oubliez pas Voltaire. Adieu.


1895. — AU LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE[3].

monsieur, le premier président de Rouen me fait l’honneur de me mander qu’il y a apparence que le dépôt de l’édition infâme que j’ai déférée est probablement auprès de Paris, selon l’usage des imprimeurs de Rouen, qui, lorsqu’ils ont fait une édition subreptice, l’envoient dans des magasins sur la route, d’où ils la font entrer dans Paris.

Voici, monsieur, une lettre ci-jointe qui m’arrive de Versailles[4], par laquelle on m’instruit que le nommé Lefèvre, libraire, étaleur à Versailles, vend le tome de la Henriade, qui sert de premier volume à l’édition en douze tomes déférée à la justice du ministère.

Le colporteur qui vend dans Paris à Mme  Doublet et à M. de Bachaumont, aux Filles de Saint-Thomas, leur a vendu un exem-

  1. Charles-Eugène et Louis-Eugène de Wurtemberg. — Charles-Eugène, alors duc régnant de Wurtemberg, venait de prendre d’Arnaud pour agent littéraire, en lui donnant mille francs par an, comme le roi de Prusse.
  2. M. de Montolieu, appartenant à une des principales familles de Lausanne, est cité dans les lettres 1923 et 1929. Voyez aussi la lettre du 12 auguste 1755, à Polier de Bottens.
  3. Éditeur, Léouzon Leduc.
  4. Elle est de Mme  de Champbonin, amie de Voltaire et de Mme  du Châtelet, et est ainsi conçue :

    « Le libraire Fournier n’a point d’Henriade, mais on la trouve à Versailles chez Lefèvre, autre libraire. Cette Henriade est imprimée de cette année. J’ai eu bien de la peine à déterminer Fournier à me l’enseigner, mais il est sûr que Lefèvre en a plusieurs exemplaires, et qu’il en vendra. »