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5125. — À M. DEBRUS[1].
7 janvier 1763, à Ferney.

Je doute fort, monsieur, que ce soit M. le duc de Bedford qui ait obtenu la relaxation de Mme Calas ; mais je ne doute point que le parlement de Toulouse ne soutienne que Calas et toute la famille est coupable, et qu’il n’a prévariqué qu’en ne faisant pas rouer la famille entière. Il n’a que cette honteuse et abominable ressource ; soyez [sûr] qu’elle ne servira qu’à le couvrir d’opprobre.

Il se pourrait bien faire que le Père Bourges fût un fripon[2] ; je [le] soupçonne un peu, parce qu’il n’a point répondu à la lettre que Donat Calas lui avait écrite ; quoi qu’il en soit, on ne peut refuser la révision, ou bien il faudrait qu’il n’y eût ni pudeur, ni justice, ni honneur sur la terre. C’est sur quoi nous serons éclaircis ce mois-ci. On jugera sur le mémoire très-judicieux de M. Mariette ; il porte la conviction dans les esprits, et la vue d’une mère et de deux filles en crêpe et en larmes redemandant le sang d’un époux et d’un père porteront (sic) la pitié dans tous les cœurs.

Cette affaire devient de jour en jour plus intéressante ; j’ai l’honneur de vous renvoyer vos lettres.


5126. — À M. LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI[3].
Ferney, 7 janvier.

Je voudrais sans doute, monsieur, voir un homme de votre mérite et quitter mes neiges pour les vôtres, ou bien avoir le

  1. Éditeur, A. Coquerel. — L’adresse est : « À monsieur, monsieur de Bruce, à Genève. »
  2. Le Père Bourges et le Père Caldaigues (ou Caldaiguès), les deux dominicains qui assistèrent au supplice de Jean Calas, lui rendirent justice. Sans doute le fait était public, et une foule attentive encombrait les fenêtres et les toits de la petite place Saint-Georges. Mais les deux moines ne furent pas sincères à demi. Ils rendirent hautement justice à la mort édifiante de ce huguenot.

    Malheureusement le Père Bourges, bientôt après, trempa dans le guet-apens tendu à Pierre, lorsqu’il fut, quoique banni, enfermé au couvent des dominicains, où on lui arracha par l’intimidation un faux semblant de conversion. Ce fut à lui que Pierre, en s’échappant du monastère, adressa une lettre où il disait : « J’ai vécu chez vous dans de si grandes perplexités que, si la grâce de Dieu ne m’eût soutenu, je me serais pendu tout comme mon malheureux frère. » (Note du premier édtieur.)

  3. Éditeurs, de Cayrol et François.