Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/345

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douze ou treize. J’ai été sur le point de faire un ouvrage qui m’aurait plu autant que Cinna, c’était le mariage de Mlle  Corneille ; mais comme le futur ne fait point de vers, le mariage a été rompu. Si vous connaissez quelque neveu de Racine, envoyez-le-moi au plus vite, et nous conclurons l’affaire. Mais je veux que vous soyez de noces ; et comme je vous crois prêtre, vous ferez la célébration. Je vous avertis que notre petit jardin est la plus jolie chose du monde. Tout le monde y vient, tout le monde s’y établit. Le prince de Wurtemberg a tout quitté pour venir s’établir dans le voisinage ; vous n’êtes pas assez courageux pour revoir votre patrie. Fi ! que cela est peu philosophe ! C’est avec douleur que je vous embrasse de si loin ; seriez-vous assez aimable pour présenter mes respects à l’Académie ?


5137. — À M.  MOULTOU[1].
Janvier 1763.

Vous partagez, monsieur, mes craintes et ma douleur. Les Lettres toulousaines s’étendent beaucoup sur l’aventure de Sirven et de sa fille. Voilà ce qui nous perdra. L’affaire de Sirven n’a point été jugée. Le parlement de Toulouse joindra au conseil ces deux affaires ensemble, et justifiera l’une par l’autre. Il soutiendra que les protestants sont en droit d’assassiner leurs fils et leurs filles quand ils veulent changer de religion. Ils[2] feront voir en trois mois de temps deux pères de famille accusés par la voix publique de ce crime épouvantable. Ils diront qu’ils ont cru absolument nécessaire de faire un exemple. J’avais recommandé expressément à nos trois avocats de ne jamais parler de l’affaire de Sirven ; ils m’ont tenu parole.

Vous écrivez sans doute à Lausanne et à Vevey. Si vous pouvez obtenir que l’auteur supprime le débit du livre jusqu’à la fin du procès, nous sommes sauvés ; sinon, tout est perdu. L’auteur ne risque rien en différant ; il détruit tout notre ouvrage en se pressant. Qu’il attende la fin de notre procès, il aura de quoi faire un second volume intéressant. Je lui fournirai plusieurs pièces et plusieurs anecdotes.

J’espère beaucoup du pouvoir que votre aimable éloquence doit avoir sur tous les esprits.


Lundi soir.
  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Les juges de Toulouse.