Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/562

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me flatte toujours que vous daignerez aussi être mon juge, et que Mariette vous présentera une requête pour le traité d’Arau. Je serai jugé par vous en vers et en prose ; mais il m’est plus aisé de changer deux actes de tragédie que de faire un factum contre l’Église.

Je suis avec un profond respect, monseigneur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,


L’aveugle V.

5384. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
23 auguste.

Ô mes anges ! il arrive toujours quelques tribulations aux barbouilleurs de papier, c’est leur métier. J’y suis accoutumé depuis plus de cinquante ans. Patience, cela finira. On a imprimé mon pauvre droit du Seigneur tout délabré. Cela, joint à la publication de la pièce sainte de Saül et David, qu’on dit aussi ridiculement imprimée, est une mortification que je mets aux pieds de mon crucifix. Je pense que le petit Avis ci-joint[1] est l’unique remède que je doive employer pour ce petit mal, et je suppose que ma lettre[2] à mon gros neveu est inutile. Je soumets le tout à votre prudence, et à la grande connaissance que vous avez de votre ville de Paris.

Je ne peux, du pied des Alpes, diriger mes mouvements de guerre ; je peux seulement dire en général : Si Omer avance de ce côté-ci, lâchons-lui mon procureur ; si Fréron marche de ce côté-là, tenons-nous-en à notre petit Avis au public[3]. Je m’en remets à la bonté de mes anges, et au battement de leurs ailes.

Mes anges doivent avoir reçu un gros paquet adressé à M. le duc de Praslin ; ils ont dû voir qu’on s’est hâté de leur obéir. L’épithète d’assassines n’avait jamais été donnée jusqu’ici aux dames ; mais, puisque vous le voulez, Fulvie est assassine. Je ne dis pas que j’aie exécuté tous vos ordres, car ce n’est pas assez d’assassiner son mari dans son lit, il faut encore faire de beaux vers. Renvoyez-moi donc mon griffonnage apostille, et puis j’aurai l’honneur de vous le renvoyer au net.

Je baise les ailes de mes anges le plus humblement du monde.

  1. Celui qui est à la suite de la lettre à Damilaville, n° 5371.
  2. 5373.
  3. Voyez ci-dessus la note 1.