Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/568

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vos critiques. Il n’appartient qu’à vous de juger de la poésie. Je viens de lire et de relire vos Quatre Saisons, très-mal imprimées : heureux qui peut passer auprès de vous les quatre saisons dont vous faites une si belle peinture ! Je n’ai jamais vu tant de poésie. Il n’y a que nous autres poètes à qui la nature accorde de bien sentir le charme inexprimable de ces descriptions et de ces sentiments qui leur donnent la vie. C’était Babet[1] qui remplissait son beau panier de cette profusion de fleurs, que le cardinal ne s’avise pas de dédaigner. J’aime bien autant votre panier et votre tablier que votre chapeau. Cette lecture m’a consolé des romans de finance[2] qu’on imprime tous les jours, et des Remontrances. Je suis fâché que cette édition soit si incorrecte. Il y a des vers oubliés, et beaucoup d’estropiés. Oh ! si vous vouliez donner la dernière main à ce charmant ouvrage ! Pourquoi non ? On ne peut pas dire toujours son bréviaire. Quand vous seriez archevêque, quand vous seriez pape, je vous conjurerais de ne pas négliger un talent si rare ; mais vous ne m’avez pas répondu sur la tragédie de mes roués : est-ce que les Grâces rebutent le pinceau du Caravage ? Cela pourrait bien être ; mais ne rebutez pas le tendre respect du Vieux de la montagne.


5391. — À M.  DAMILAVILLE.
29 auguste.

Puisque vous daignez, mon cher frère, conduire avec tant de bonté mes affaires temporelles, en voici une bonne faffée[3].

J’envoie à M. Mariette le brevet que le roi nous a donné, à Mme  Denis et à moi, accompagné de la copie de notre Mémoire au conseil. Je vous supplie de vouloir bien lui adresser le tout. Nous aurons perdu tout le fruit de nos peines et des bontés du roi, si notre évocation au conseil n’a pas lieu. C’est une affaire très-désagréable. Je me console d’avance du mauvais succès ; mais je ferai tout ce qui dépendra de moi pour en obtenir un bon. J’espère que Dieu aura pitié d’un de vos frères.

Mon cher frère a-t-il distribué les salutaires pancartes[4] qu’il a reçues ? Je fais mille remerciements à mon cher frère, et je l’embrasse tendrement.

  1. Surnom donné à Bernis ; voyez tome XXXVI, page 506.
  2. Entre autres de celui de Roussel de La Tour ; voyez la note 2, page 499.
  3. Voltaire a déjà employé ce mot dans sa lettre à Darget du mai 1750, n° 2081.
  4. Catéchisme de l Honnête Homme ; voyez tome XXIV, page 523.