Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/387

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roi perde l’opinion où il peut avoir été que cet ouvrage doit être la règle de la conduite d’un prince.

Quand on m’a mandé que vous aviez bien voulu corriger quelques passages, j’avais cru que c’était la faute qu’on a faite d’oublier les jeunes magistrats, et de dire que les avocats instruisent les magistrats[1], en oubliant jeunes ; que cette expression : la France est le seul pays souille de cet opprobre[2], vous avait paru trop forte, et que c’était là qu’il fallait ménager les termes. Je me soumets à vos lumières et à vos bontés ; et, en même temps, je vous demande grâce pour l’hostie de La Vieuville, pour le maroquin rouge de l’abbé de Rothelin, et pour l’histoire du capucin Joseph. Je vous supplie de vouloir bien faciliter et d’approuver la bienveillance de M. Marin, à qui je renouvelle mes instances de laisser imprimer l’ouvrage tel que je l’ai envoyé en dernier lieu à vous et à lui.


5822. — À MADAME D’ÉPINAI.
16 novembre.

Il me paraît, madame, que vous avez un curé digne de vous ; c’est vous, sans doute, qui nommez à la cure ; c’est l’homme du monde dont, après vous, j’ambitionne plus le suffrage. M. Dubut[3] ou Desbuttes (car je ne sais pas précisément son nom) le remercie bien fort de ses cerisiers. Il est bien vieux, ce M. Desbuttes ; mais s’il a le bonheur de manger des cerises de votre curé, il en jettera les noyaux au nez des superstitieux et des fanatiques, qui, je crois, n’approchent jamais de votre paroisse.

Je vois que tous les climats se ressemblent, quoique les esprits ne se ressemblent pas : si vous avez froid, nous sommes gelés ; si vous avez un pouce de neige, nous en avons deux pieds ; si vous perdez quelques-uns de vos poulets, tous les nôtres meurent ; mais vous avez des Frérons, des Pompignans, un Journal chrétien, et nous n’avons rien de tout cela. Vous vivez, madame, dans votre belle retraite avec vos philosophes ; moquez-vous des sottises de toutes les espèces. Que ne puis-je en rire avec vous ! mais il n’y a pas moyen de rire quand on souffre tant de votre absence.

  1. Voyez tome XXV, page 302.
  2. Cette expression, retranchée par d’Argental en 1764, a été reprise plus tard par Voltaire ; voyez tome XX, page 178.
  3. C’était le nom que Voltaire voulait donner à l’auteur du Dictionnaire philosophique portatif ; voyez lettres 5777 et 5779.