Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/582

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un homme qui pense. Celui qu’on habite pour quelques minutes est si vvoisin de celui qu’on habitera pour toujours, que ce n’est pas la peine de se gêner.

Toute ma famille rassemblée baise très-humblement les ailes de mes anges. Le patriarche pourrait bien aller de Sichem en Égypte, quoiqu’il n’ait point de femme à présenter à des Pharaon.


6035. — À M.  LEKAIN[1].
Mai.

Mon cher Roscius, vous ne doutez pas du vif intérêt que j’ai pris à votre aventure ; vous savez combien j’aime les grands talents et combien je vous aime. J’imagine que vos communs intérêts vous ont uni avec Mlle  Clairon. Si vous la voyez, dites-lui, je vous prie, que nous avons pensé, dans notre petit coin des Alpes, comme tous les honnêtes gens de Paris.

Je suis trop malade et trop dérouté pour faire actuellement ce que vous me proposez ; je vous demande en grâce d’attendre. Vous avez un grand intérêt à ne pas vous presser ; les circonstances ne sont point du tout favorables. Attendons, mon cher ami ; je vous en conjure instamment.


6036. — À M.  GOLDONI.
À Genève, 29 mai.

Je n’ai reçu, monsieur, le paquet et la lettre dont vous m’avez honoré que depuis deux jours, à mon retour des bains de Suisse, où j’avais été obligé d’aller pour ma très-mauvaise santé et pour des fluxions sur les yeux, que je dois au voisinage des Alpes. Vous vous doutez bien que je fais tous mes efforts pour recouvrer la vue quand j’ai vos ouvrages à lire. Je sens bien que je serai privé de la consolation de vous posséder dans ma retraite suisse ; mais je préfère votre bonheur à mon plaisir. Vous voilà attaché à une grande princesse[2] qui sentira tout votre mérite. Il est connu partout, mais il sera récompensé en France. Le théâtre aura fait votre réputation, et vos mœurs aimables contribueront à faire votre fortune.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — C’est à tort, croyons-nous, que les éditeurs avaient mis ce billet au mois de mars.
  2. Madame Adélaïde, fille de Louis XV. Goldoni venait d’être nommé lecteur et maître d’italien de Mesdames de France.