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Comptez, monsieur, sur les sentiments qui m’attacheront à vous tant que je vivrai. Je sais trop combien votre personne est digne de vos ouvrages, pour ne pas vous aimer tendrement.


6037. — À M. DAMILAVILLE.
À Genève, 30 mai.

Le malade réformé à la suite de Tronchin envoie aux malades de Paris les réponses de l’oracle d’Épidaure. Mais je vous répéterai toujours[1], mon cher ami, qu’une sœur du pot fait plus de bien à un malade qu’elle soigne, qu’Esculape n’en peut faire en dictant ses ordonnances de cent lieues. D’ailleurs M. Tronchin n’a pas un moment dont il puisse disposer, et ne peut donner au nombre prodigieux de consultations dont on l’accable toute l’attention qu’il voudrait. Je vous exhorte, mon cher ami, à ne pas négliger de faire voir votre mal de gorge à quelqu’un à qui vous aurez confiance.

Nos amis, qui ont fait ce charmant ouvrage de la justification de la Gazette littéraire[2], doivent être très-affligés qu’il ne paraisse pas. Mais tout doit céder aux désirs de M. le duc de Praslin ; cette Gazette littéraire est dans son département ; c’est lui qui la protège, c’est à lui à décider de ce qui doit être publié et de ce qui doit être supprimé. Gabriel Cramer, à qui on avait envoyé le manuscrit, veut bien sacrifier son édition. Il lui en coûtera son argent ; un libraire de Hollande ne serait pas si honnête. J’ignore si l’ouvrage était connu de M. le duc de Praslin. Il se peut que vos amis ne l’aient pas consulté, et qu’ils se soient reposés sur l’envie de lui plaire : en ce cas, il n’est tenu à rien, et ne doit aucun dédommagement. D’ailleurs la quantité de livres écrits librement est si grande dans l’oisiveté de la paix que je conçois bien que tout ce qui vient de l’étranger est suspect. Les Lettres de d’Éon[3], de Vergy[4] ; l’Espion chinois[5], la Vie de Mme de Pompadour[6], les Récriminations de la Société de Jésus, inondent l’Eu-

  1. Voyez la lettre 6032.
  2. Voyez la note, page 522.
  3. Éon de Beaumont ; voyez la note 2, page 303.
  4. Voyez la note 2, page 458.
  5. L’Espion chinois, 1765, six volumes in-12, réimprimé en 1768 et 1774, est de Goudar. On l’avait attribué à Éon de Beaumont.
  6. Une Vie de la marquise de Pompadour avait paru en deux volumes in-16, dont la seconde édition est de 1759. Voltaire veut plutôt parler des Mémoires de Mme de Pompadour, 1765, deux volumes in-12, ouvrage apocryphe.