Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/176

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sur un sujet qui m’a paru en valoir la peine ; voyez si les vers ne sont pas trop indignes du sujet.

Ah ! si vous pouviez être plénipotentiaire à Genève !

Je vous supplie de vouloir bien engager M. Marin à empêcher les libraires d’imprimer les tristes vers que j’ai faits sur un événement fort triste. J’ai assez parlé de Henri IV en ma vie, sans ennuyer encore ses mânes.

Puis-je présenter par vous mes respects à M. le duc de Praslin et à M. le marquis de Chauvelin ? Je me mets sous vos ailes.


6215. — À M. DAMILAVILLE.
Ferney, 3 janvier.

M. le duc de Choiseul m’a écrit, mon cher frère, qu’il avait parlé pour la pension de M. d’Alembert, qu’il n’y avait nul mérite, et qu’il n’avait été qu’un enfonceur de portes ouvertes. Voilà ses propres paroles ; je vous prie instamment de les rapporter à notre cher philosophe.

Avouons donc que M. le duc de Choiseul a une belle âme. Ce qu’il a fait pour les Calas le prouve assez : rendons-lui justice. Il y a eu du malentendu dans la protection qu’il a donnée à l’infâme, pièce de Palissot[1]. Il lui avvait fait entendre que les philosophes décrieraient le ministère. Nous ne devons point avoir de meilleur protecteur que ce ministre généreux, qui a de l’esprit comme s’il n’était point grand seigneur ; qui a fait de très-beaux vers[2], même étant ministre ; qui a sauvé bien des chagrins à de pauvres philosophes ; qui l’est lui-même autant que nous ; qui le paraîtrait davantage si sa place le lui permettait.

Mon cher frère, tout est tracasserie, et personne ne s’entend. On m’a rendu un compte très-fidèle de la présente[3] lettre à Mme du Deffant, dont quelques fragments ont couru sous mon nom. Elle n’en à point donné de copies, quelsues indiscrets en ont retenu des bribes. Il s’agissait d’une mauvaise plaisanterie

  1. Les Phliosophes, comédie jouée en 1760.
  2. Le duc fie Choiseul s’était donné pour l’auteur de l’ode contre le roi de Prusse. Voyez tome XL, page 419.
  3. C’est dans la Correspondance de Grimm (mars 1766) qu’a été publiée la lettre à Damilaville, du 3 janvier, et on y lit « présente lettre à Mme du Deffant ». Il est évident que le mot présente est une faute. Un éditeur récent a mis prétendue, correction qui ne rend pas la phrase plus claire. Je n’ose affirmer que la lettre à Mme du Deffant, dont il est question ici, soit celle du 27 janvier 1764 (voyez n° 5540), que des indiscrets avaient fuit imprimer. (B.)