Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/195

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eu de division plus tranquille. C’est même moins une division qu’une différence paisible de sentiments dans l’explication des lois. Quoique j’aie remis à M. Hennin la consultation de vos avocats, quoiqu’il ne m’appartienne en aucune manière de vouloir entrer le moins du monde dans les fonctions de son ministère, cependant, comme depuis plus de trois mois je me suis appliqué à jouer un rôle tout contraire à celui de Jean-Jacques, j’ai continué à donner mes avis à ceux qui sont venus me les demander. Ces avis ont toujours eu pour but la concorde. Je n’ai caché au conseil aucune de mes démarches, et le conseil même m’en remercia par la bouche d’un conseiller du nom de Tronchin, la veille de l’arrivée de M. Hennin.

En un mot, tout est et sera tranquille, je vous en réponds. Je vous prie de l’assurer à M. le duc de Praslin. La médiation ne servira qu’à expliquer les lois.

Je redouble mes vœux de jour en jour pour que vous soyez le médiateur ; M. Hennin le désire comme moi, et vous n’en doutez pas. Je sais que M. le comte d’Harcourt est sur les lieux, je sais qu’il a un mérite digne de sa naissance ; mais M. le duc de Praslin sait aussi que ce n’est pas le mérite qu’il faut pour concilier des lois qui semblent se contredire, pour en changer d’autres qui paraissent peu convenables, et pour assurer la liberté des citoyens sans offenser en rien l’autorité des magistrats.

Je ne cesserai de vous dire que ce doit être là votre ouvrage, et je me livre dans cette espérance à des idées si flatteuses que je ne sais pas comment je pourrais supporter le refus. Venez, mes chers anges, je vous en conjure.

Il faut vous dire encore un petit mot de ces lettres[1] qui ont amusé tous les honnêtes gens, et jusqu’à des prêtres. Elles ne sont ni ne seront jamais de moi, elles n’en peuvent être. Je vous renvoie à la lettre[2] que je vous ai écrite sous l’enveloppe de M. le duc de Praslin. Je ne puis pas répondre que la fréronnaille ne me calomnie quelquefois, mais je vous réponds bien que j’aurai toujours un bouclier contre ses armes ; l’imposture peut m’accuser, mais jamais me confondre. Je ferais beau bruit si on s’avisait de s’en prendre à un homme de soixante-douze ans, à qui toute sa petite province rend témoignage de sa conduite chrétienne, de ses bons sentiments, et de ses bonnes œuvres, et qui, de plus,

  1. Les Lettres sur les miracles.
  2. C’est celle du 10 janvier, qui est perdue ; voyez page 176.