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CORRESPONDANCE.

Je ne sais pas qui sont les auteurs qui travaillent actuellement au Journal encyclopédique[1] ; ce journal est très-maltraité dans le libelle du professeur. Voyez si vous pouvez lui faire donner quelques coups de fouet dans ce journal. Pour moi, je me dispose à faire une justice exemplaire de la personne dudit huguenot, lorsqu’il viendra sur mes terres catholiques. Je ne souffrirai pas qu’il attaque impunément notre saint-père le pape, et vous, et frère Hume, et frère Marmontel, et même faux frère Rousseau, et la comédie.

Vous avez peut-être vu le livre attribué à Fréret[2], qu’on dit être d’un capitaine au régiment du roi. Ce capitaine est plus savant que dom Calmet, et a autant de logique que Calmet avait d’imbécillité. Ce livre doit faire un très-grand effet ; j’en suis émerveillé, et j’en rends grâces à Dieu. Vous souciez-vous beaucoup du bâillon de Lally, et de son gros cou, que le fils aîné de monsieur l’exécuteur a coupé fort maladroitement pour son coup d’essai ? Je connaissais beaucoup cet Irlandais, et j’avais eu même avec lui des relations fort singulières en 1746. Je sais bien que c’était un homme très-violent, qui trouvait aisément le secret de se faire haïr de tout le monde ; mais je parierais mon petit cou qu’il n’était point traître. L’arrêt ne dit point qu’il ait été concussionnaire. Cet arrêt lui reproche vaguement des vexations ; et ce mot de vexations est si indéterminé qu’il ne se trouve chez aucun criminaliste.

La France est le seul pays où les arrêts ne soient point motivés. Les parlements crient contre le despotisme ; mais ceux qui font mourir des citoyens sans dire précisément pourquoi sont assurément les plus despotiques de tous les hommes.

Savez-vous quand finira l’assemblée du clergé, et quand on débitera l’Encyclopédie ? J’imagine qu’elle paraîtra quand l’assemblée sera disparue.

Est-il vrai qu’on fait beaucoup de niches à Mlle  Clairon ? est-il vrai qu’on fait ce qu’on peut pour trouver admirable une nouvelle actrice[3] par qui on prétend qu’elle sera remplacée ?

Vous avez lu sans doute, en son temps, la Prédication de l’abbé Coyer[4]. Ne trouvez-vous pas qu’il prend bien son temps pour louer Genève ? La moitié de la ville voudrait écraser l’autre,

  1. Le prinncipal rédacteur était Pierre Rousseau.
  2. Voyez la lettre 6306.
  3. Mlle  Sainval aînée avait débuté sur le Théâtre-Français se retira en 1779.
  4. De la Prédication, 1766, in-12.