Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/37

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l’Europe entière, le condamnent. On est occupé à présent à tirer du greffe la sentence qui a condamné les Sirven ; si on y parvient, nous aurons bientôt deux grands monuments du fanatisme de province et de l’équité de Versailles.

L’impératrice de Russie a écrit une lettre charmante[1], pleine de raison et d’esprit, au neveu de l’abbé Bazin. On pense dans le Nord comme auprès d’Angoulême.

La nièce a pour vous, monsieur, les mêmes sentiments que moi. Continuez à aimer le bien et à le faire.

Vous savez que ce n’est point à moi d’écrire la lettre que vous voulez bien demander, puisque je n’ai point vu la sottise à laquelle vous croyez qu’il faut répondre : on ne peut écrire au hasard. Je ne peux rien ajouter à ce que j’ai eu l’honneur de vous mander à ce sujet[2].

Adieu, monsieur ; permettez-moi de vous embrasser très-tendrement.


6068. — DE M. D’ALEMBERT.
16 juillet.

Mon cher et illustre maître, je reçois à l’instant votre lettre du 8, que M. de Villette m’envoie de sa campagne ; et comme il serait trop long et peut-être peu sûr de vous répondre par son canal, en son absence je profite de l’occasion de Mlle Clairon pour vous ouvrir mon cœur. Il est très-vrai que j’ai écrit tout ce qu’on vous a dit[3] ; mais comme cela n’intéresse point le roi, je croyais pouvoir écrire en sûreté, persuadé qu’on ne rendrait compte qu’à lui de ce que pouvaient contenir mes lettres. Il n’est pas moins vrai que l’homme en place dont vous me parlez[4] est parvenu à se rendre l’exécration des gens de lettres, dont il lui était si facile de se faire aimer. Je crois bien qu’il me hait, et je me pique de reconnaissance ; cependant je n’imagine pas qu’il influe beaucoup dans le refus ou le délai de ma pension : je crois plutôt que les dévots de la cour ont fait peur au ministre, qui n’ose le dire pourtant, et qui donne de son délai toutes sortes de mauvaises raisons. Au reste, je vous laisse le maître de faire les démarches que vous jugerez utiles, pourvu que ces démarches ne m’engagent à rien : ce qui est bien certain, c’est que je n’en ferai pour ma part aucune. Le roi de Prusse m’a déjà fait écrire, et j’attends une lettre de lui. On me dit de sa part que la place de président est toujours vacante, qu’elle m’attend, et que, pour cette fois, il espère que je ne la refuserai pas ; mais ma santé ne me permet plus de me transplanter, et puis je suis plus amoureux de la liberté que jamais, et si je quittais

  1. Voyez lettre 6059.
  2. Lettre 6045.
  3. Voyez lettre 6060.
  4. Le duc de Choiseul ; voyez la lettre du 13 août.