Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/96

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vous ennuyer, et d’autres où l’on ne dit que des choses que vous savez, et que vous dites beaucoup mieux.

J’y joins un autre ouvrage qu’on appelle le Dictionnaire philosophique. Des méchants me l’ont imputé ; c’est une calomnie atroce dont je vous demande justice. Je suis fâché qu’un livre si dangereux soit si commode pour le lecteur ; on l’ouvre et on le ferme sans déranger les idées. Les chapitres sont variés comme ceux de Montaigne, et ne sont pas si longs.

On m’assure que cette édition-ci est plus ample[1] et plus insolente que toutes les autres. Je ne l’ai pas vue ; vous en jugerez : et je la condamne s’il y a du mal.

Je vous dirai cependant, à ma honte, que j’aime assez en général tous ces petits chapitres qui ne fatiguent point l’esprit.

Je vais faire chercher encore une Pucelle pour vous amuser ; mais je doute que j’aie le temps de la trouver avant le départ de Mme  de Florian. On trouve rarement des pucelles chez ces marauds d’huguenots de Genève.

Je ne sors jamais de chez moi, et je m’en trouve bien : on a tous ses moments à soi ; et la vie est si courte qu’il n’en faut pas perdre un quart d’heure.

Je suis fâché que vous preniez en aversion nos pauvres philosophes. Si vous croyez qu’ils marchent un peu sur mes traces, je vous prie de ne pas battre ma livrée.

Je sais toute l’histoire de la petite vérole de Mme  la duchesse de Boufflers. S’il était vrai qu’elle eût été en effet bien inoculée, et qu’elle eût eu la petite vérole naturelle après l’artificielle, cela serait triste pour elle[2] ; mais ce serait un exemple unique entre vingt mille ; et les exceptions rares n’ôtent rien à la force des lois générales.

Je n’étais pas instruit de la maladie de Mme  la maréchale de Luxembourg. Elle n’a point répondu à une lettre[3] qui méritait assurément une réponse ; mais je m’intéresserai toujours à elle comme si elle répondait.

Adieu, madame ; je vous aimerai toujours sans la plus légère

  1. Nous avons donné, tome XLIII, page 405, l’indication de huit articles ajoutés dans une réimpression du Dictionnaire philosophique. Une autre édition fut encore augmentée de seize articles ; voyez L’Avertissement de Beuchot, tome XVII.
  2. L’inoculation n’avait produit sur Mme  de Boufflers aucune fièvre, ainsi que l’explique le docteur Gatti dans une Lettre imprimée dans la Gazette littéraire du 1er septembre 1765, et contenant l’histoire de l’inoculation de Mme  de Boufflers.
  3. Celle du 9 janvier, n° 5875.