Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/197

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lettre ; le port n’en sera pas bien considérable ; elle m’a été envoyée de Paris.

Je ne puis jouir de la consolation de vous aller voir à Lyon ; mais nous sommes malades, Mme Denis et moi. Nous ne pouvons quitter le coin du feu ; nos montagnes sont encore couvertes de neige.

Conservez-moi, monsieur, une amitié dont je sens tout le prix.

6817. — À MADAME LA DUCHESSE DE GRAMMONT.
Au château de Ferney, 27 mars.

Encouragé par vos bontés, et par celles de monseigneur le duc, votre frère, je prends encore la liberté de vous écrire à tous deux, et de vous supplier de lui faire lire cette lettre dans un moment de loisir, s’il est possible qu’il en ait.

Nous sommes bien loin de nous plaindre, Mme Denis, M. et Mme Dupuits, et moi, et tout ce qui habite dans ma retraite, ni des arrangements pris par M. le duc de Choiseul, ni des troupes, ni des officiers. Nous nous sommes conformés à ses intentions avec le plus grand zèle, en ne tirant de Genève que la viande de boucherie (pardon de ces détails) ; nous faisons venir tout autre comestible, toute autre provision de Lyon, pour donner l’exemple. Mais jusqu’à ce que les voitures publiques puissent marcher de Lyon au pays de Gex et en Suisse, nous sommes forcés d’user des bontés de monseigneur le duc de Choiseul, en chargeant le courrier de nous apporter les choses nécessaires. Cette voie est la seule praticable.

Un malheureux commis du bureau de Collonges (nommé Dumesrel fils) saisit les étoffes que Mme Denis renvoie à Lyon, après avoir choisi celles qu’elle garde. Ce commis, qu’elle a déjà fait condamner à restituer cinquante louis d’or qu’il lui avait extorqués[1], nous persécute comme s’il était le tyran de la province.

Confinés et bloqués dans notre château ; ne voulant rien tirer de Genève ; obligés de faire venir par Lyon notre argent, nos provisions, nos habits ; n’ayant d’autre ressource que la voie du courrier, que deviendrons-nous si on nous coupe la communication avec Lyon ? Faudra-t-il me réfugier en Suisse à l’âge de soixante-quatorze ans ? Je sais qu’ordinairement il est défendu

  1. Voyez lettre 6714.