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ANNÉE 1767

solitaires qu’on a vus en passant dans des retraites ignorées. À peine ma vieillesse et mes maladies m’ont-elles permis de vous faire ma cour, lorsque vous êtes venu dans nos cabanes, et cependant vous m’avez comblé à Paris de vos bons offices, comme si je les avais mérités. Vous avez fait bien plus : je vous dois la protection de Mme de Beauharnais[1], dont l’esprit et la beauté sont connus même dans notre pays sauvage.

Si je puis trouver à Genève ou à Bâle quelques nouveautés dignes de votre curiosité, je ne manquerai pas de vous les envoyer à l’adresse que vous avez bien voulu me donner. Je vous supplie, monsieur, d’agréer la très-respectueuse reconnaissance de votre très-humble, etc.

6939. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 14 juillet.

Je n’ai pas besoin de vous dire, ou plutôt de vous répéter, mon cher et illustre maître, avec quel plaisir j’ai lu ou plutôt relu ce que vous avez bien voulu m’envoyer ; vous connaissez mon avidité pour tout ce qui vient de vous, et il ne tiendrait qu’à vous de la satisfaire encore mieux que vous ne faites. Je suis presque fâché quand j’apprends, par le public, que vous avez donné, sans m’en rien dire, quelque nouveau camouflet au fanatisme et à la tyrannie, sans préjudice des gourmades à poing fermé que vous leur appliquez si bien d’ailleurs. Il n’appartient qu’à vous de rendre ces deux fléaux du genre humain odieux et ridicules. Les honnêtes gens vous en ont d’autant plus d’obligation qu’on ne peut plus attaquer ces deux monstres que de loin ; ils sont trop redoutables sur leurs foyers, et trop en garde contre les coups qu’on pourrait leur porter de trop près.

Les nouveaux soufflets[2] que votre ami s’est essayé à donner aux jésuites et aux jansénistes ont bien de la peine à leur parvenir ; ce seront vraisemblablement des coups perdus : il n’y a pas grand mal à cela, pourvu que les vérités qui accompagnent ces soufflets ne soient pas tout à fait inutiles.

Dites-moi, je vous prie, à propos de cela, où en est la nouvelle édition de la Destruction des Jésuites[3]. Pourriez-vous, si elle est enfin achevée, m’en faire parvenir quelques exemplaires ?

J’ai donné à mes petits gants d’Espagne[4] une nouvelle façon qui leur procurera un peu plus d’odeur ; je vous enverrai cela au premier jour, par frère Damilaville. Que dites-vous, en attendant, de ces pauvres diables-là,

  1. Marie de Chaban, femme du comte de Beauharnais, cousin de l’impératrice Joséphine, née en 1738, morte en 1813. Elle a écrit quelques jolies nouvelles. (A. F.)
  2. La Seconde Lettre, dont il a été parlé dans une note sous le n° 6872.
  3. Ouvrage de d’Alembert.
  4. La Seconde Lettre.