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CORRESPONDANCE.

qui courent la mer sans pouvoir trouver d’asile ? On serait presque tenté d’en avoir pitié, si on n’était pas bien sûr qu’en pareil cas ils n’auraient pitié ni d’un janséniste ni d’un philosophe. J’écrivais ces jours passés à votre ancien disciple[1] que j’étais persuadé que, s’il chassait jamais les jésuites de Silésie, il ne tiendrait pas renfermées dans son cœur royal[2] les raisons de leur expulsion. Je lui ai fait, par la même occasion, mes remerciements, au nom de la raison et de l’humanité, de ce qu’on peut espérer des grâces de sa part, quoiqu’on ait passé le chapeau sur la tête devant une procession de capucins, et qu’on ait chanté devant son perruquier et son laquais des chansons de b…

J’ignore qui est ce faquin de Larcher qui a écrit sous les yeux du syndic Riballier contre la Philosophie de l’Histoire ; mais je recommande très-instamment ce syndic Riballier au neveu de l’abbé Bazin. Je lui donne ce syndic pour le plus grand fourbe et le plus grand maraud qui existe ; Marmontel pourra lui en dire des nouvelles. Croiriez-vous qu’il n’a pas été permis à ce dernier de se défendre, à visage découvert, contre ce coquin, qui l’a attaqué sous le masque, et de lui donner cent coups de bâton pour les coups d’épingle qu’il en a reçus par les mains d’un autre faquin nommé Coger[3], dit Coge pecus, régent de rhétorique au collège Mazarin, dont Riballier est principal ? Il faut que le neveu de l’abbé Bazin applique à ces deux drôles des soufflets qui les rendent ridicules à leurs écoliers mêmes.

On dit que la censure de la Sorbonne va enfin paraître ; ce sera sans doute une pièce rare. En attendant, les Trente-sept Vérités opposées aux trente-sept impiétés les ont couverts de ridicule et d’opprobre. On dit qu’ils désavoueront, dans leur censure, les trente-sept propositions condamnées ; mais à qui en imposeront-ils ? Il est certain que cette liste a été imprimée chez Simon, et qu’elle était signée du syndic, qui, à la vérité, a essuyé sur ce sujet quelques mortifications en Sorbonne, quoiqu’il n’eût rien fait que de concert avec les députés commissaires de la sacrée Faculté.

Voulez-vous bien remettre ce billet à M. de La Harpe ? Nous avons pour l’éloge de Charles V un concours nombreux ; mais le jugement ne sera pas aussi long que je le croyais d’abord. Comme je sais l’intérêt que vous y prenez, je ne manquerai pas de vous en mander le résultat dès que le prix sera donné, ce qui ne tardera pas : nous avons une pièce excellente, contre laquelle je doute que les autres puissent tenir. Ne trouvez-vous pas bien ridicule cette approbation que nous exigeons de deux docteurs en théologie[4] ? J’ai fait l’impossible pour qu’on abolît ce plat usage ; croiriez-vous que j’ai été contredit sur ce point par des gens même qui auraient bien dû me

  1. La lettre de d’Alembert au roi de Prusse est du 3 juillet 1767.
  2. Voyez la lettre 6873.
  3. Voyez tome XXI, page 357 ; le surnom de Coge pecus fait allusion au vers vingtième de la troisième églogue de Virgile.
  4. L’article 6 du règlement de 1671 portait qu’aucun discours ne serait admis au concours sans être revêtu d’une approbation signée de deux docteurs de la Faculté de théologie de Paris.