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CORRESPONDANCE.

à leurs perruquiers, et à voir si les débris de mes calculs ne pourraient pas se retrouver dans les ordures. Vous aimez les mathématiques, et je vous recommande instamment mes intérêts en cette occasion.

Il est vrai que c’est l’oraison funèbre de Louis IX, et non pas le panégyrique de saint Louis, qui a été prêchée à l’Académie ; mais l’ouvrage n’en était que meilleur. Les d’Olivet et compagnie avaient déjà murmuré dès le matin ; mais le murmure a augmenté le soir à Saint-Roch, où l’orateur a prêché le même panégyrique. Il n’y a point d’horreurs et de faussetés que la canaille des prêtres habitués n’ait dites à cette occasion : il est pourtant vrai que deux curés de Paris, qui avaient assisté au sermon du matin, ont dit qu’ils étaient prêts à signer tout ce que le prédicateur avait avancé contre les croisades et contre le pape.

Il nous pleut ici de Hollande des ouvrages sans nombre contre l’infâme : c’est la Théologie portative[1], l’Esprit du clergé[2], les Prêtres démasqués[3], le Militaire philosophe[4], le Tableau de l’esprit humain[5], etc., etc., etc. Il semble qu’on ait résolu de faire le siège de l’infâme dans les formes, tant on jette de boulets rouges dans la place. Il est vrai qu’elle ne sera pas sitôt prise, car c’est le feld-maréchal Riballier qui y commande, et qui a sous lui le capitaine d’artilleurs Jean-Gilles Larcher, et le colonel de hussards Coge pecus. Avec ces grands généraux-là, une ville assiégée doit tenir longtemps.

Priez Dieu qu’il tire la Sorbonne et l’archevêque d’embarras au sujet de Bélisaire ; ils ne savent plus comment s’y prendre pour faire paraître leur censure. Ils y avaient mis un grand article contre la tolérance ; la cour, qui est sur cela dans des principes un peu différents de ces messieurs, et même, dit-on, le parlement, tout intolérant qu’il est, leur ont fait dire qu’ils voulaient voir cet endroit de la censure avant qu’elle parût : on dit qu’ils sont actuellement occupés à bourrer leur censure de cartons. Figurez-vous le ridicule dont ils vont se couvrir. On dira que ces pédants-là ne sont pas même décidés sur le genre de sottises qu’ils ont à dire. D’autres prétendent que l’article de la tolérance sera supprimé : c’est ce qu’ils pourraient faire de mieux ; mais ils ne veulent pas qu’on dise qu’ils ont cédé ce quartier de la place. D’autres disent que la censure ne paraîtra point du tout ; ils feraient encore mieux : il est vrai qu’on se moquera d’eux tant soit peu, mais un peu de honte est bientôt passée. Je sais, de science certaine, que plusieurs docteurs sont de cet avis, et pensent que la Sorbonne a déjà eu dans cette affaire sa dose d’opprobre assez complète pour ne pas grossir davantage la pacotille.

Adieu, mon cher et illustre maître ; je vous recommande l’ouvrage de mathématiques, abandonné si vilainement aux barbiers de Calvin. Voulez-vous bien remettre cette lettre à M. de La Harpe ? J’écris par le même courrier à

  1. Voyez la note, tome XXVIII, page 73.
  2. 1767, deux volumes in-8° ; voyez lettre 7175.
  3. 1768, un volume in-8° ; voyez lettre 7175.
  4. Voyez la note 4, tome XXVII, page 117.
  5. Voyez la lettre 7023.