M. de Pomaret peut compter sur la certitude de ces nouvelles, et sur les sentiments de celui qui a l’honneur de lui écrire.
Mon cher enfant, mon cher ami, mon cher confrère, je ne me connais pas trop en C sol ut et en F ut fa. J’ai l’oreille dure, je suis un peu sourd ; cependant je vous avoue qu’il y a des airs de Pandore qui m’ont fait beaucoup de plaisir. J’ai retenu, par exemple, malgré moi :
Ah ! vous avez pour vous la grandeur et la gloire.
D’autres airs m’ont fait une grande impression, et laissent encore un bruit confus dans le tympan de mon oreille.
Pourquoi sait-on par cœur les vers de Racine ? c’est qu’ils sont bons. Il faut donc que la musique retenue par les ignorants soit bonne aussi. On me dira que chacun sait par cœur :
J’appelle un chat un chat, et Rolet un fripon.
Aimez-vous la muscade ? on en a mis partout, etc.
(ce sont des vers du Pont-Neuf, et cependant tout le monde les
sait par cœur) ; que la plupart des ariettes de Lulli sont des airs
du Pont-Neuf et des barcarolles de Venise, d’accord : aussi ne les
a-t-on pas retenus comme bons, mais comme faciles. Mais, pour
peu qu’on ait de goût, on grave dans sa mémoire tout l’Art poétique
et quatre actes entiers d’Armide. La déclamation de Lulli
est une mélopée si parfaite que je déclame tout son récitatif en
suivant ses notes, et en adoucissant seulement les intonations ;
je fais alors un très-grand effet sur les auditeurs, et il n’y a personne
qui ne soit ému. La déclamation de Lulli est donc dans
la nature, elle est adaptée à la langue, elle est l’expression du
sentiment.
Si cet admirable récitatif ne fait plus aujourd’hui le même effet que dans le beau siècle de Louis XIV, c’est que nous n’avons plus d’acteurs, nous en manquons dans tous les genres ; et,