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ANNÉE 1767

tout cru. Si messieurs de Sorbonne mangent des huîtres, je les tiens anthropophages.

Je vous recommande, mon cher confrère en Apollon, l’Empire romain[1] et Pandore. Nous vous aimons tous comme vous méritez d’être aimé.

7103. — À S. A. Mgr LE DUC DE BOUILLON.
À Ferney, 23 décembre.

Monseigneur, je n’ai appris la perte cruelle que vous avez faite que dans l’intervalle de ma première lettre et celle dont Votre Altesse m’a honoré. Personne ne souhaite plus que moi que le sang des grands hommes et des hommes aimables ne tarisse point sur la terre. Je suis pénétré de votre douleur, et sûr de votre courage.

Je ne crains pas plus les mauléonistes que les jansénistes et les molinistes. Le siècle de Louis XIV était beaucoup plus éloquent que le nôtre, mais bien moins éclairé. Toutes les misérables disputes théologiques sont bafouées aujourd’hui par les honnêtes gens d’un bout de l’Europe à l’autre. La raison a fait plus de progrès en vingt années que le fanatisme n’en avait fait en quinze cents ans.

Nos mœurs changent, Brutus ; il faut changer nos lois.

(La Mort de César, act. III, se. iv.)

Bossuet avait de la science et du génie ; il était le premier des déclamateurs, mais le dernier des philosophes, et je puis vous assurer qu’il n’était pas de bonne foi. Le quiétisme était une folie qui passa par la tête périgourdine de Fénelon, mais une folie pardonnable, une folie d’un cœur tendre, et qui devint même héroïque dans lui. Je ne vois dans la conduite du cardinal de Bouillon que celle d’une âme noble, qui fut intrépide dans l’amitié et dans la disgrâce. Je n’aime point Rome, mais je crois qu’il fit très-bien de se retirer à Rome.

J’ai déjà insinué mes sentiments dans les éditions précédentes du Siècle de Louis XIV. Je les développerai dans cette édition nouvelle[2], avec mon amour de la vérité, mon attachement pour votre maison, mon respect pour le trône, et mes ménagements pour l’Église.

  1. Eudoxie.
  2. L’édition de 1768.