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ANNÉE 1767

parlement[1] est-il en droit d’interpréter des lois anciennes et reconnues ?


Est-il décidé par les exemples de Marie de Médicis, d’Anne d’Autriche et du duc d’Orléans, que le parlement de Paris a seul la prérogative de donner la régence du royaume ? Et d’ailleurs, que disent les princes, les pairs et les généraux d’armée, quand ils voient le fils d’un commis des fermes acheter, pour quinze cents louis, le droit de conférer la puissance suprême ?

Il semble que tout se soit fait chez nous au hasard et à l’aventure ; il faut avouer que le droit public est bien mieux établi en Angleterre et en Allemagne, quoique sur des fondements très-différents ; du moins, chacun y connaît ses privilèges ; et en France, toutes les prérogatives sont usurpées ou contestées ; on n’y jouit pas même des droits qu’on a reçus de la nature ; personne n’est parmi nous à l’abri des lettres de cachet et d’un jugement par commissaires.

Plus ces réflexions sont douloureuses, plus je vous exhorte, monsieur, à découvrir nos plaies quand vous n’aurez plus l’espérance de les guérir. Vous montrerez au moins à la nation tout ce qui lui manque et ce que le temps pourra lui donner un jour. En vérité, M. de Montesquieu n’a fait que plaisanter et n’a écrit que pour montrer de l’esprit ; d’ailleurs, il se trompe trop souvent ; presque toutes ses citations sont fausses ; mais il a parlé avec courage contre la finance, les prêtres et le despotisme. Vous aurez le même courage, avec plus de lumières et de méthode ; voilà du travail, c’est-à-dire du plaisir pour bien des années, et de la gloire pour jamais.

Soyez persuadé, monsieur, de mon très-sincère respect et d’un attachement aussi grand que mon estime ; je serais bien fâché de mourir sans avoir l’honneur de vous revoir.

7130. — À M. HENNIN.
13 janvier.

Vous savez, mon très-cher résident, que la place de M. Camp*** ne convient mieux à personne qu’à M. Rieu, qui est né Fran-

  1. La fin de cette lettre à partir de ce mot manquait dans les éditions de Kehl, de Beuchot, et dans toutes les éditions précédentes. Ce complément a été publié pour la première fois par M. J.-J. Champollion-Figeac, dans la Revue des Alpes, année 1859, No 91, et nous a été transmis par l’honorable directeur de cette Revue, M. Maisonville.