Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

années. Ce qui était juste alors doit l’être à présent. Les lois sur lesquelles cette république est fondée n’ont point changé ; le jugement devait donc être le même. Voilà ce que l’on pense dans le Nord sur cette affaire.

Peut-être dans le Sud fait-on des gloses sur la liberté de conscience sollicitée pour les dissidents. Je me suis fourré dans la comparsa, et je n’ai pas voulu jouer un rôle principal dans cette scène. Les rois d’Angleterre et du Nord ont pris le même parti ; l’impératrice de Russie décidera cette querelle avec la république de Pologne, comme elle pourra. Les dissensions[1] polonaises et les négociations italiennes sont à peu près de la même espèce : il faut vivre longtemps et avec une patience angélique pour en voir la fin.

Je vous souhaite, en attendant, la bonne année, santé, tranquillité, et bonheur ; et qu’Apollon, ce dieu des vers et de la médecine, vous comble de ses doubles faveurs. Vale.

Fédéric.

6680. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
17 janvier.

Je vous écris, mon cher marquis, mourant de froid et de faim, au milieu des neiges, environné de la légion de Flandre et du régiment de Conti, qui ne sont pas plus à leur aise que moi.

J’ai été sur le point de partir pour Soleure, avec monsieur l’ambassadeur de France ; j’avais fait tous mes paquets. J’ai perdu dans ce remue-ménage l’original de votre lettre à M. le comte de Périgord[2]. Je vous supplie de me renvoyer la copie que vous avez signée de votre main ; et sur-le-champ nous mettrons la main à l’œuvre, et tout sera en règle. Les Genevois payeront, je crois, leurs folies un peu cher. Ils se sont conduits en impertinents et en insensés ; ils ont irrité M. le duc de Choiseul, ils ont abusé de ses bontés, et ils n’ont que ce qu’ils méritent.

M. Boursier ne peut vous envoyer que dans un mois, ou environ, les bouteilles de Colladon[3] qu’il vous a promises. Ces liqueurs sont fort nécessaires pour le temps qu’il fait ; elles doivent réchauffer des cœurs glacés par huit ou dix pieds de neige qui couvrent la terre dans nos cantons.

Conservez-moi votre amitié, mon cher marquis ; la mienne pour vous ne finira qu’avec ma vie.

  1. « Les discussions. » (Êdit. de Berlin.)
  2. Voltaire en a déjà parlé dans la lettre 6605.
  3. Voyez une note sur la lettre 6661.