Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome45.djvu/80

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son poëme[1]. Je vous supplie de lui faire parvenir ma lettre[2] sans qu’il lui en coûte rien. Je n’ose l’affranchir, et je ne veux pas qu’un vain compliment lui coûte de l’argent. Je vous serai très-obligé de me rendre ce petit service.

Vous devriez bien, monsieur, représenter fortement à M. le duc de Choiseul l’abondance où nage Genève, et le déplorable état où le pays de Gex est réduit. Comptez que, dans ce pays de Gex, personne ne souffre plus que nous. Plus la maison est grosse, plus la disette est grande. Nous n’avons d’autre ressource que Genève pour tous les besoins de la vie ; les neiges ont bouché les chemins de la Franche-Comté, les voitures publiques n’arrivent plus de Lyon ; nous n’avons aucune provision, aucun secours. Daumart[3], paralytique depuis sept ans, ne peut avoir un emplâtre ; l’abbé Adam se meurt, et ne peut avoir ni médecin ni médecine.

Je quitterai le pays dès que je pourrai remuer, et j’irai mourir ailleurs.

Je ne vous en suis pas moins tendrement attaché. V.

6699. — DE M. HENNIN[4].
À Genève, le 28 janvier 1767.

J’ai toujours été, monsieur, dans la persuasion que vous aviez avec Genève la même correspondance que par le passé, et que, par conséquent, vous souffriez moins que personne de l’interdiction. Je suis autorisé à donner un passe-port à celui de vos gens que vous voudrez envoyer ici, et, quand vous m’aurez envoyé son nom, je le ferai expédier. Le ton de votre lettre m’afflige sincèrement. Il ne tient qu’à vos malades d’avoir des secours, puisque MM. Joly et Cabanis ont des passe-ports pour aller et venir, et que votre commissionnaire peut chaque jour prendre ici tous les remèdes dont ils auront besoin.

N’ajoutez pas, je vous prie, à la tristesse et à l’ennui de ma position le chagrin de vous savoir mécontent. Croyez que j’ai fait et ferai tout ce qui sera en moi pour diminuer les maux de cette contrée. Malheureusement on ne trouve pas que je sois au ton du moment ; mais je sais paraître avoir tort quand il s’agit de faire le bien.

La neige m’a empêché d’aller vous voir, monsieur : car, malgré les embarras dont je suis surchargé, j’avais besoin d’une heure de conversation avec vous, et j’aurais été la chercher. Aussitôt que cet obstacle sera levé,

  1. Sur Pierre le Grand.
  2. Elle manque.
  3. Arrière-cousin maternel de Voltaire.
  4. Correspondance inédite de Voltaire avec P.‑M. Hennin, 1825.