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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome46.djvu/412

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CORRESPONDANCE.

Cette pièce m’a paru fort sage : il serait à souhaiter qu’elle l’eût été moins ; elle aurait fait une plus grande impression. Je conseillerais aux prêtres de demander qu’on la joue telle qu’elle est, car, s’ils ont la sottise de s’y opposer, il arrivera que les héritiers de Desmahis remettront la pièce dans toute son ancienne horreur. On m’a dit que l’auteur en avait adouci presque tous les traits, et qu’il avait passé quelques couleurs sur l’extrême laideur de ces messieurs ; mais, s’ils ne se trouvent pas assez flattés, on les peindra tels qu’ils sont. Je crois qu’il est de l’intérêt de tous les honnêtes gens qu’on joue quelquefois de pareilles pièces : cela vaut pour le moins une grand’messe de votre archevêque, et beaucoup mieux sans doute que tous ses billets de confession.

J’ai essuyé plus d’une affaire et plus d’une maladie ; c’en est trop à mon âge. Plaignez-moi, si je vous écris si rarement et si laconiquement.

7619. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
À Ferney, le 3 auguste.

Par pitié pour l’âge caduque
D’un de mes sacrés estafiers,
Vous abritez sa vieille nuque :
Quand on est couvert de lauriers,
On peut donner une perruque.
Prêtez-moi quelque rime en uque
Pour orner mes vers familiers.
Nous n’avons que celle d’eunuque.
Ce mot me conviendrait assez ;
Mais ce mot est une sottise,
Et les beaux princes de l’Église
Pourraient s’en tenir offensés.

Je remercie très-tendrement Votre Éminence de la perruque de mon pauvre aumônier [1]qui ne verra pas ma lettre. Mais souffrez qu’il vous rende de très-humbles actions de grâces : il ne les dit jamais à table, et j’en suis fâché.

On dit que vous faites des merveilles à Rome, et que vos pieds, tout potelés qu’ils sont, marchent sur des épines sans se blesser. Je suis très-fâché que votre saint-père soit peu versé dans l’his-

  1. Le Père Adam ; voyez lettres 7571 et 7601.