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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/284

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CORRESPONDANCE.

nage une ville dans laquelle la liberté de conscience sera établie, soit sous un titre, soit sous un autre ; rien n’est plus sûr, et on peut y compter[1].

On fait à M. Ribotte les plus sincères compliments.

8112. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
7 décembre.

J’ai commandé sur-le-champ, madame, à mes Vulcains quelque chose de plus galant que la ceinture de Vénus, pour Mme la marquise de Chalvet, la Toulousaine. Elle aura cercle de diamants, boutons, repoussoir, aiguilles de diamants, crochet d’or, chaîne d’or colorié. Vous aurez du très-beau et du très-bon. J’ai un des meilleurs ouvriers de l’Europe : c’était lui qui faisait à Genève les montres à répétition, où les horlogers de Paris mettaient leur nom impudemment. Je ne saurais vous dire le prix actuellement. Cela dépendra de la beauté des diamants.

Vous voulez peut-être, madame, des chaînes de marcassites séparément ; c’est sur quoi je vous demande vos ordres. Les chaînes ordinaires sont d’argent doré, dont chaque chaton porte une pierre : ces chaînes valent six louis d’or.

Celles dont les chatons portent des pierres appelées jargon, qui imitent parfaitement le diamant, valent onze louis.

Voilà tout ce que je sais de mes fabricants, car je ne les vois guère ils travaillent sans relâche. Vous prétendez que j’en fais autant de mon côté, vous me faites bien de l’honneur. Je n’ai guère de moments à moi. Il m’a fallu bâtir plus de maisons que le président Hénault n’en avait dans le quartier Saint-Honoré ; et il me faut à présent combattre la famine. Le pain blanc vaut chez nous huit sous la livre. J’ai envie d’en porter mes plaintes aux Éphémérides du Citoyen[2].

Vous me dites que du temps des sorciers j’aurais été brûlé : vraiment, madame, je le serais bien à présent si on en croyait l’honnête gazetier ecclésiastique. Mais n’appelez point l’Épître au

  1. « Le gouvernement s’occupait d’ouvrir aux Genevois un asile à Versoy, sur les bords du lac. Là devait s’établir une ville où l’industrie et le commerce seraient libres, où un temple protestant s’élèverait vis-à-vis d’une église catholique. Voltaire avait fait adopter ce plan, mais le ministre n’eut pas le crédit d’obtenir une loi de liberté religieuse ; une tolérance secrète, bornée au temps de son ministère, était tout ce qu’il pouvait offrir, et Versoy ne put exister. » (Vie de Voltaire, par Condorcet.)
  2. Voyez la note, tome XXIX, page 359.