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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/288

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CORRESPONDANCE.

de notre siècle, ou, si vous voulez, de ceux qui ont succédé à Fontenelle et à Lamotte, qu’ils ont fort dénigrés, et qu’ils sont bien loin d’égaler. Oh ! monsieur, vous en direz ce qu’il vous plaira, ils n’ont de mérite que d’avoir pris votre livrée, et je trouverai toujours entre eux et vous la différence du maître au valet ; mais laissons-les là, et n’en parlons plus.

Je vais vous faire une proposition, la plus ridicule du monde, et que vous trouverez peut-être la plus impertinente. Je suis dans l’habitude de donner des étrennes à Mme de Luxembourg ; celles de cette année seront la Bibliothèque bleue[1], dont on vient de faire une nouvelle édition en beau langage ; je serais charmée si vous aviez la complaisance de me faire un joli envoi, sérieux ou comique, tout comme il vous plaira. Si vous m’accordez cette grâce, il n’y faut pas perdre un moment. Je prierai Dieu pour vous, et vous aimerai encore plus que je ne vous aime, s’il est possible. Voilà le libraire, M. Merlin, que j’attendais ; je vous quitte pour travailler avec lui. Adieu.

Qu’est-ce que c’est que Nicodème et Jeannot ? La grand maman et la petite-fille n’ont-elles pas sujet de se plaindre de n’en pas entendre parler ?

8116. — À M. D’ALEMBERT.
10 décembre.

Mon cher philosophe, mon cher ami, il est important que nous ayons, avec M. Gaillard, un littérateur, quel qu’il soit, attaché à l’Académie, philosophe, et intrépide, ennemi des cagots. On m’a parlé beaucoup de M. de Malesherbes.

On dit aussi que le président de Brosses se présente. Je sais qu’outre les Fétiches[2] et les Terres australes[3], il a fait un livre sur les langues[4], dans lequel ce qu’il a pillé est assez bon, et ce qui est de lui détestable.

Je lui ai d’ailleurs envoyé une consultation de neuf avocats, qui tous concluaient que je pouvais l’arguer de dol à son propre parlement[5]. Il a eu un procédé bien vilain avec moi, et j’ai encore la lettre dans laquelle il m’écrit en mots couverts que, si je le poursuis, il pourra me dénoncer comme auteur d’ouvrages suspects que je n’ai certainement point faits. Je puis produire

  1. Recueil de contes, de romans, etc., en vieux langage, auquel on avait donné le nom de Bibliothèque bleue, parce que ces morceaux avaient d’abord été publiés en forme de brochures couvertes d’un papier bleu.
  2. Du Culte des dieux fétiches, ou Parallèle de l’ancienne idolâtrie avec celle des peuples de la Nigritie, 1760, in-12.
  3. Histoire des navigations aux Terres australes, 1758, deux vol.  in-4°. (B.)
  4. Traité de la formation mécanique des langues, 1765, deux vol.  in-12. (B.)
  5. Voyez la lettre 4711, tome XLI, page 480.