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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/336

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CORRESPONDANCE.

que tout le monde y fait son château en Espagne ; j’aimerais bien mieux que vous eussiez un beau château dans mon voisinage.

Adieu, madame ; probablement je n’aurai jamais la consolation de vous revoir, mais vous serez toujours ma chère et belle philosophe.

8180. — À M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 16 janvier.

Mon héros, je vous représentai mes raisons fort à la hâte par le dernier courrier[1], étant fort pressé par le temps. Permettez que je vous parle encore de cette petite affaire qui ne vous intéresse en aucune façon, et qui m’intéresse infiniment. Pour peu que vous fussiez lié avec l’homme en question[2], vous savez avec quel plaisir je sacrifierais mes répugnances à vos goûts ; mais vous ne le connaissez point du tout, et moi, je le connais pour m’avoir trompé, pour m’avoir ennuyé, et pour m’avoir voulu dénoncer. Si vous aviez eu le malheur de lire ses Fétiches et ses Terres australes, vous ne voudriez pas assurément de lui. Hélas ! nous avons assez de présidents. Encore si on nous donnait un président Hénault ! mais nous n’en aurons plus de si aimable.

Je vous conjure encore une fois de ne nous point charger de celui qui se présente ; ce serait un affront pour moi, dans l’état où sont les choses, et ce ne serait pas une grande satisfaction pour lui. Il est même dit dans nos statuts qu’un homme obligé par sa place de résider toujours en province ne peut être de l’Académie.

Vous me demandez si je veux qu’on joue Sophonisbe. Hélas ! je veux sur cela tout ce qu’on voudra, et surtout ce que vous ordonnerez. Ce que je voudrais principalement, ce sont des acteurs, et on dit qu’il n’y en a point. Laissera-t-on ainsi tomber le théâtre, qui faisait tant d’honneur à la France dans les pays étrangers, et n’aurons-nous plus que des opéras-comiques ? Il y va de la gloire de la nation, et vous êtes accoutumé à la soutenir.

Vous me parlez du carillon de mon village et de mes montres démontées. Je puis vous assurer que c’est une entreprise qui mérite toute la protection du ministère. Il est assez singulier

  1. Lettres 8169 et 8177.
  2. Le président de Brosses.