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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/345

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ANNÉE 1770.

de la petite fête que j’ai donnée au prince de Prusse[1]. Il y a cinq jours qu’il nous a quittés ; il parut se plaire ici plus que l’abbé Chappe[2], qui, courant la poste dans un traîneau bien fermé, a tout vu en Russie.

Après les informations les plus exactes sur la requête de vos Genevois, j’ai trouvé que M. Tchoglokof a beaucoup de dettes, et que tout son bien est dissipé.

Pour ce qui regarde la manufacture des montres de Ferney, je vous ai déjà écrit de nous envoyer des montres de toute espèce, pour quelques milliers de roubles : je les prendrai toutes.

Le roi de Prusse a beau dire[3], Ali-bey est maître souverain de l’Égypte. Si je vais à Stamboul, je le ferai venir, afin que vous le puissiez voir de vos yeux. Et comme je ne doute point que vous ne me fassiez le plaisir d’accepter la place de patriarche, vous aurez la consolation d’administrer à Ali-bey le baptême par immersion, et par conséquent vous voudrez bien jusque-là ne point mourir de douleur de ce que je ne suis pas encore à Constantinople. Quelle est la pièce qui finit avant le troisième acte ? et quel est le roman qui abandonne son héros à moitié chemin, au bord d’une rivière ?

8188. — DE MADAME LA DUCHESSE DE CHOISEUL[4].
Chanteloup, ce 24 janvier 1771.

Non, monsieur, il n’y a rien de comparable à votre Barmécide[5] ; rien de si charmant que la peinture que vous en faites ; rien de si délicat que les éloges que vous lui donnez ; rien de si séduisant que le désir de lui ressembler ; rien de si flatteur que le plaisir de s’y reconnaître. Loin de nous ces moralistes triviaux, ces casuistes imbéciles qui condamnent l’amour-propre. Sublime orgueil, père de Lucifer et père des vertus, je m’abandonne à vous ! si je savais faire des vers, j’en ferais à l’honneur de l’orgueil, comme vous en faites à celui de Barmécide. Mais je ne me sens point en

  1. Le prince Henri.
  2. L’abbé Chappe est auteur d’un Voyage en Sibérie, 1768, deux tomes en trois volumes in-4° et un atlas in-folio. Il parut un Antidote ou Examen du mauvais livre, magnifiquement imprimé, intitulé Voyage en Sibérie ; première partie, Saint-Pétersbourg, 1770, in-8° ; première et seconde parties, Amsterdam, 1771 et 1772, un volume in-8°. On attribue cet Antidote à Catherine II et au comte Schouvalow, mais il est aussi attribué à la princesse Daschkof ou d’Aschkof ; et si cette dame n’y a pas eu part, il paraît constant, par la lettre 8314, qu’au moins elle passait pour l’auteur. Il se peut que cette princesse, qui était très-liée avec Catherine, et qui avait pris part à la révolution de 1762, consentit à servir de masque à l’impératrice.
  3. Voyez lettre 8139.
  4. Correspondance complète de Mme du Deffant avec la duchesse de Choiseul, etc., publiée par le marquis de Sainte-Aulaire, tome Ier, page 322.
  5. L’Épître de Benaldaki à Caramouftée, femme de Giafar le Barmécide. Voyez tome X, page 440.