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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/423

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ANNÉE 1771.

digieusement hasardés. La retraite de M. le duc de Choiseul m’a porté le dernier coup, aussi bien qu’à la ville de Versoy, qu’il voulait bâtir. Notre petit canton est actuellement dans un état déplorable.

Je vous conjure, mon cher ange, de me mander s’il est vrai que M. le duc de Choiseul ait été accusé de s’entendre avec le parlement de Paris, et de fomenter sa très-condamnable désobéissance. Il m’est de la dernière importance de le savoir ; et comme il s’agit ici d’un bruit public, et non d’un mystère d’État, Mme d’Argental peut fort bien me mander ce que l’on dit, sans se compromettre dans ce qu’elle aura la bonté de m’écrire.

Je vous supplie de ne me pas oublier auprès de M. le duc de Praslin, à qui je serai toujours dévoué. Le roi ne condamne pas les sentiments de la reconnaissance j’en dois beaucoup à M. le duc de Praslin et à M. le duc de Choiseul, et je dois remplir mon devoir jusqu’à ma mort, en trouvant les parlements très-ridicules.

J’ai lu toutes les remontrances et toutes les brochures : elles m’ont affermi dans l’opinion que le roi a raison, et qu’il faut absolument qu’il ait raison.

Je vous demande en grâce de vouloir bien dire à M. de Thibouville combien je m’intéresse à sa santé du bord de mon tombeau. Je prie Mme d’Argental de me conserver ses bontés, et de vouloir bien m’écrire sur ce que je lui demande.

Donnez-moi votre bénédiction, mes anges : j’en ai grand besoin au milieu des neiges et de la famine qui nous environnent.

8268. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE#1.
24 avril.

M. d’Argental m’avait bien mandé, mon cher marquis, que vous aviez été malade ; mais je ne croyais pas que la chose eût été si sérieuse ; votre lettre m’a fait trembler. Mais vous me rassurez, puisque vous demandez une montre à répétition. Je trouverai votre affaire avant qu’il soit peu ; vous aurez une bonne montre, et à bon marché. Puissiez-vous compter les heures pendant cinquante ans ! Pour moi, je distingue à peine actuellement le cadran d’une montre ; je suis aveugle, et bientôt il n’y aura plus d’heures ni de minutes pour moi. [1]

  1. Éditeurs, de Cayrol et Francois.