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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome47.djvu/577

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ANNÉE 1771.

pendant huit ans de contumace ; ce qui est sans exemple, on lui a adjugé des dépens considérables. Cet arrêt semble une amende honorable à la cendre des Calas : point du tout ; vous allez être bien ébahis : le premier président m’écrit qu’il lui est démontré que tous les Calas étaient coupables aussi bien que Lavaysse, et qu’ils ne furent épargnés que par considération pour Lavaysse le père, qui était ami de la plupart de messieurs. Eh bien ! mes anges, n’êtes-vous pas ébahis, comme je vous le disais ?

Vous êtes surpris que j’écrive de ma main ; c’est que nous n’avons point de neiges sans cela je serais aveugle. Je ne suis que mourant ; mais ce ne sera rien, et je suis sous vos ailes.

8434. — À M. BERTRAND.
À Ferney, 10 décembre.

Je vous envoie, monsieur, par le coche de Berne, un petit article nouveau sur la superstition#[1], dans lequel on rend aux révérends pères dominicains, confrères de Jacques Clément, toute la justice qui leur est due. Cela se trouve dans le huitième tome des Questions sur l’Encyclopédie, que vous pourrez envoyer à monsieur votre neveu pour son édification.

Ne croyez-vous pas que cette horrible aventure pourra devenir très-utile au roi de Pologne ? Rien n’est plus avantageux que d’avoir des ennemis détestés du genre humain. Les confédérés ont amassé des charbons ardents sur leur tête[2], et ont affermi la couronne sur la tête du roi. Mais que dites-vous de cinq têtes couronnées assassinées en peu de temps[3] dans ce siècle de la philosophie ? Pour moi, je dis que Lucrèce vivait du temps des proscriptions. Tantum relligio[4], etc.

Le très-malade vieillard vous embrasse de tout son cœur.

  1. Formant aujourd’hui la troisième section de l’article Superstition (Voyez tome XX, page 451) ; mais ce morceau ne fut imprimé que dans le neuvième tome des Questions sur l’Encyclopédie.
  2. Épître aux Romains, chapitre XII, v. 20.
  3. Voyez lettre 8418.
  4. Le vers entier de Lucrèce, I, 102, est :

    Tantum relligio potuit suadere malorum !