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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/134

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CORRESPONDANCE.

mestique qui était chez vous le jour même que Du Jonquay prétend y avoir fait ses treize incroyables voyages. Pour peu que vous ayez encore un autre témoin, je pense que vous parviendrez aisément à découvrir la friponnerie aux yeux de la justice, d’autant plus que ce sont des témoins nécessaires, quoiqu’ils vous aient appartenu. Il me paraît aussi bien important que vous détruisiez je ne sais quelles accusations intentées contre vous par l’avocat Lacroix, pages 12 et 18 de son Mémoire[1]. Si ces accusations ne sont pas fondées, il vous doit une réparation authentique. J’ai un neveu[2], doyen des conseillers-clercs du parlement, qui ne sera pas votre juge, parce que la cause est au criminel mais il a beaucoup de crédit dans son corps. Il viendra passer les vacances à Ferney : je lui parlerai fortement, et s’il peut vous rendre service, ce sera m’en rendre un très-essentiel. Nous avons ici un parent[3], ancien capitaine de cavalerie, qui a eu l’honneur de servir avec vous, et qui est de votre province : il prend, comme moi, un intérêt très-vif à votre procès. Les raisons qui m’ont frappé ont fait sur lui la même impression. Le fond de l’affaire ne doit laisser aucun doute à quiconque a le sens commun. Il est bien triste que vous ayez à combattre des formes qui l’emportent si souvent sur le fond ; mais je me flatte que les formes mêmes vous seront favorables, quand vous aurez discuté judiciairement tous les faits : c’est de quoi il s’agit ; vous n’épargnerez rien pour réparer votre seul tort, qui est celui d’une confiance trop aveugle. Constatez bien vos preuves, vous avez un avocat intelligent et actif, dont l’éloquence ne peut plus rien ici. Il n’est plus question de probabilités ; il faut des faits, il faut des interrogatoires ; il faut parvenir à des démonstrations qui forcent les juges à déclarer vos billets nuls, et à punir ceux qui vous les ont extorqués. Je vous plains infiniment, monsieur ; mais quand vous auriez le malheur de perdre votre procès, je ne vous en respecterais pas moins.

C’est avec ce respect bien véritable que j’ai l’honneur, etc.

  1. Page 12 de sa Réponse à l’imprimé du comte de Morangiès, Delacroix rappelle un acte sous seing-privé du 29 novembre 1771, entre le comte et la veuve Jolliot pour transaction relativement à une montre garnie de diamants et deux bracelets entourés de brillants sur lesquels, à l’instant de la mort de la demoiselle Jolliot, sa maîtresse, le comte avait porté la main. À la page 18, il est question d’un billet de 1.090 livres que le comte avait refusé de payer, répondant au protêt n’en avoir jamais reçu la valeur, et l’avoir seulement confié pour être négocié.
  2. L’abbé Mignot.
  3. Le marquis de Florian ; voyez tome XXIX, page 65.