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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/151

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de douze ans, et ne voulant plus servir que vous, est parti de Paris sans en rien dire à personne, et vient vous demander la permission de se faire casser la tête sous vos ordres. Il est d’une très-ancienne noblesse, véritable marquis, et non pas de ces marquis de robe ou marquis de hasard, qui prennent leurs titres dans une auberge, et se font appeler monseigneur par les postillons, qu’ils ne payent point. Il s’appelle le marquis de Sainte-Aulaire, neveu d’un lieutenant général, l’un de nos plus aimables académiciens, lequel faisait de très-jolis vers à près de cent ans, comme vous en ferez, à ce que je crois, et à ce que j’espère. Je pense que mon jeune marquis est actuellement à Berlin, cherchant peut-être inutilement à se présenter à Votre Majesté ; mais on dit qu’il en est digne, et que c’est un fort bon sujet [1].

Le vieux malade se met à vos pieds avec attachement, admiration, respect et syndérèse.

8588. — À CATHERINE II,
impératrice de russie.
À Ferney, 31 juillet.

Madame, il y a bien longtemps que je n’ai osé importuner Votre Majesté impériale de mes inutiles lettres. J’ai présumé que vous étiez dans le commerce le plus vif avec Moustapha et les confédérés de Pologne. Vous les rangez tous à leur devoir, et ils doivent vous remercier tous de leur donner, à quelque prix que ce soit, la paix dont ils avaient très-grand besoin.

Votre Majesté a peut-être cru que je la boudais, parce qu’elle n’a pas fait le voyage de Stamboul et d’Athènes comme je l’espérais. J’en suis affligé, il est vrai ; mais je ne peux être fâché contre vous, et d’ailleurs si Votre Majesté ne va pas sur le Bosphore, elle ira du moins faire un tour vers la Vistule. Quelque chose qui arrive, Moustapha a toujours le mérite d’avoir contribué pour sa part à votre grandeur, s’il vous a empêchée de continuer votre beau code ; et Pallas la guerrière, après l’avoir bien battu, va redevenir Minerve la législatrice.

Il n’y a plus que ce pauvre Ali-bey qui soit à plaindre ; on le dit battu et en fuite : c’est dommage. Je le croyais paisible

  1. La fin de cet alinéa, depuis « Je pense que, » n’a pas été donnée non plus par Beuchot.