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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/152

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CORRESPONDANCE.

possesseur du beau pays où l’on adorait autrefois les chats et les chiens mais, comme vous êtes plus voisine de la Prusse que de l’Égypte, je pense que vous vous consolez du petit malheur arrivé à mon cher Ali-bey. Je présume aussi que Votre Majesté n’a point fait faire le voyage de Sibérie à nos étourdis de Français qui ont été en Pologne, où ils n’avaient que faire. Puisqu’ils aimaient à voyager, il fallait qu’ils vinssent vous admirer à Pétersbourg : cela eût été plus sensé, plus décent, et beaucoup plus agréable. Pour moi, c’est ainsi que j’en userais si je n’étais pas octogénaire. J’estime fort Notre-Dame de Czenstokova ; mais j’aurais donné dans mon pèlerinage la préférence à Notre-Dame de Pétersbourg. Je n’ai plus qu’un souffle de vie, je l’emploierai à vous invoquer, en mourant, comme ma sainte, et la plus sainte assurément que le Nord ait jamais portée.

Le vieux malade de Ferney se met à vos pieds avec le plus profond respect et une reconnaissance qui ne finira qu’avec sa vie.

8589. — À MADAME LA COMTESSE DE SAINT-JULIEN.
31 juillet.

Je vous avais dit, madame, que je n’aurais jamais l’honneur de vous écrire pour vous faire de vains compliments, et que je ne m’adresserais à vous que pour exercer votre humeur bienfaisante ; je vous tiens parole : il s’agit de favoriser les blondes. Je ne sais si vous n’aimeriez pas mieux protéger des blondins ; mais il n’est question ici ni de belles dames, ni de beaux garçons, et je ne vous demande votre protection qu’auprès de la marchande qui soutient seule l’honneur de la France, ayant succédé à Mme Duchapt[1].

Vous avez vu cette belle blonde, façon de dentelle de Bruxelles, qui a été faite dans notre village. L’ouvrière qui a fait ce chef-d’œuvre est prête d’en faire autant, et en aussi grand nombre qu’on voudra, et à très-bon marché, pour l’ancienne boutique Duchapt ; elle prendra une douzaine d’ouvrières avec elle, s’il le faut, et nous vous aurons l’obligation d’une nouvelle manufacture. Vous nous avez porté bonheur, madame ; notre colonie augmente, nos manufactures se perfectionnent ; je suis encore obligé de bâtir de nouvelles maisons. Si le ministère

  1. Fameuse marchande de modes. Voyez la note, tome XXV, page 236.