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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/150

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CORRESPONDANCE.

sont pas aussi méprisables et aussi haïssables qu’on a pu vous le dire.

Celui qui a contribué à rendre Henri IV encore plus cher à la nation, celui qui a écrit le Siècle de Louis XIV, qui a vengé les Calas, qui a écrit le Traité de la Tolérance, ne croit point avoir célébré des choses méprisables et haïssables. Je suis persuadé que vous ne haïssez, que vous ne méprisez que le vice et l’injustice ; que vous voyez dans le maître de la nature le père de tous les hommes ; que vous n’êtes d’aucun parti ; que plus vous êtes éclairée, plus vous êtes indulgente ; que votre vertu ne sera jamais altérée par les séductions de l’enthousiasme. Telle était madame votre mère, que je regrette toujours.

Tous les hommes sont également faibles, également petits devant Dieu, mais également chers à celui qui les a formés. Il ne nous appartient pas de vouloir soumettre les autres à nos opinions. Je respecte la vôtre, je fais mille vœux pour votre félicité, et j’ai l’honneur d’être avec le plus sincère respect, madame, votre, etc.

8587. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
31 juillet 1772[1],

Sire, permettez-moi de dire à Votre Majesté que vous êtes comme un certain personnage de La Fontaine :


Droit au solide allait Bartholomée[2].


Ce solide accompagne merveilleusement la véritable gloire ; vous faites un royaume florissant et puissant de ce qui n’était, sous le roi votre grand-père, qu’un royaume de vanité. Vous avez connu et saisi le vrai en tout, aussi êtes-vous unique en tout genre. Ce que vous faites actuellement vaut bien votre poëme sur les confédérés. Il est plaisant de détruire les gens et de les chanter[3].

Je dois dire à Votre Majesté qu’un jeune homme de vingt-cinq ans, très-bon officier, très-instruit, ayant servi dès l’âge

  1. Cette lettre a été placée à tort par Beuchot sous la date du 2 mai 1767. Voyez une note de la lettre 6870.
  2. La Fontaine, conte du Calendrier des vieillards.
  3. Les deux dernières phrases de cet alinéa avaient été omises par Beuchot, et sont rétablies d’après l’édition de Kehl.